mercredi 30 décembre 2015

Cours n° 14 doxologie : une méthode sémiotique

"La Doxa (mot qui va revenir souvent), c'est l'Opinion Publique : l'Esprit majoritaire, le Consensus petit-bourgeois, la Voix du Naturel, la Violence du Préjugé. On peut appeler doxologie (mot de Leibnitz) toute manière de parler adaptée à l'apparence, à l'opinion ou à la pratique".

Roland BARTHES,  Par Roland Barthes,   Parisn, Seuil, 1975, p. 52


20 décembre 2015 : interview de Samba Diop par Cléo et Eléna  


I - A propos de Lucrèce Borgia. Commentaires ? Que faire de l'entretien avec David Bobée ? 

II - Mise au point : où en êtes-vous ? 
Il me faut donner au secrétariat des notes... Chacun sera noté sur les travaux communs suivants : 
a - 1 Haïku
b - 1 Portrait 
c - 1 Documentaire

III - Doxologie (Doxa, opinion commune, idées reçues, clichés, stéréotypes, préjugés, sophismes, rumeurs, idéologies).


On peut adopter une définition provisoire de l’idée reçue : il s’agit de l’unité de base d’un système de pensée simpliste qui aboutit à un raisonnement faux.

Les idées reçues proviennent d’origines variées. Elles peuvent être la conséquence d’erreurs de raisonnement qui peuvent être gratuites ou motivées, dues à l’ignorance, à la facilité d’esprit, à l’habitude, à la nature même du langage,  ou encore à une volonté de manipulation.

Les idées reçues peuvent alors se décliner sous différentes formes : clichés, stéréotypes, préjugés, sophismes, rumeurs, idéologies etc. Ces unités de base, sous leur forme minimale, peuvent parfois être isolées et se préter à l’analyse et même être falsifiables. Mais dans leur forme complexe, les idéologies, elles sont souvent infalsifiables.

Penser justement demande de la rigueur, de la nuance et parfois exige de suspendre son jugement. De manière radicale, les discours vrais appartiennent seuls au discours scientifique. Cependant, s’il est difficile de tenir un discours juste sur le monde, au moins peut-on s’efforcer de dire le moins d’erreurs possible.

C’est une philosophie tout à fait compatible avec l’étude de la littérature et de la sémiotique : Le monde est complexe : faute de pouvoir dire ce qu’il est (projet positiviste) au moins pouvons-nous dire ce qu’il n’est pas (dans certains cas seulement).

Ce projet rationaliste des Lumières (« écraser l’infâme », mot d’ordre de Voltaire), a été souvent illustré. Parmi les textes emblématiques qui relèvent d’une crtique des idées reçues, Le Dictionnaire des idées reçues de Gustave Flaubert est précurseur. Voici un extrait :
A –
Affaires (Les). Passent avant tout. Une femme doit éviter de parler des siennes. — sont dans la vie ce qu’il y a de plus important. Tout est là.
Alcoolisme : Cause de toutes les maladies modernes.
Anglais. Tous riches.
Architectes. Tous imbéciles. Oublient toujours l’escalier des maisons.
Argent. Cause de tout le mal. — Dire Auri sacra fames.
Artistes. Tous farceurs.  — Vanter leur désintéressement (vieux). — s’étonner qu’ils sont habillés comme tout le monde (vieux). — gagnent des sommes folles, mais les jettent par les fenêtres. — Souvent invités à dîner en ville. Femme artiste ne peut être qu’une catin.
On remarquera que ces « idées reçues », sous leur forme minimale, ont toutes un point commun formel. Elles emploient des adverbes de la totalité, exclusifs (tous, toujours) qui servent à exprimer des jugements de valeur absolus à valeur de vérité générale qui risquent d’être totalement faux (et selon Flaubert idiots).

Nous sommes sans cesse confrontés aux idées reçues :

- L’amour dans la culture chinoise est absolu, dans la culture occidentale temporel.
-Tous les Français sont romantiques, fainéants, bons vivants. Les Taiwanais sont austères, travailleurs, et cetera.
- Il n’y a pas de bons photographes taiwanais.
- Tous les Taiwanais mangent du Cho Tofu que les Européens détestent.
- Tous les musulmans sont des islamistes. D'où l'islamophobie actuelle qui pèse sur la France.
- Tous les Africains mangent du rat... D'où la méprise d'Éléna et Cléo... un examen rapide nous apprend qu'effectivement au Mozambique notamment, dans certaines situations, on mange du rat et que ça devient un met prisé. Mais on ne peut généraliser à la formule "les Africains mangent du rat" 

Sites à consulter 

1 : à propos de la consommation de rat  :  http://www.jeuneafrique.com/254912/societe/chenilles-bouillies-ou-rat-sur-son-lit-de-bananes-vertes-panorama-des-recettes-insolites-de-lafrique/
http://www.afrik.com/cote-d-ivoire-un-mangeur-de-rat-condamne-a-cinq-ans-de-prison
http://www.slateafrique.com/6163/le-rat-toutes-les-sauces-au-mozambique

2 : à propos de site de Samba Diop et des préjugés raciaux (discrimination) dont il dit avoir beaucoup souffert  et sa vision communautaire (qui n'est pas exempt de préjugés non plus) : http://aprinceintaiwan.blogspot.tw

On peut réduire ces énoncés à la formule grammaticale "tous les X sont Y". Il s’agit là de l’expression minimale des idées reçues. Mais il est possible d’analyser des systèmes de pensée fondés sur des idées reçues à plus grande échelle : les idéologies. Le repérage et la réduction d'énoncés quelconque à la formule "tous les X sont Y" est une méthode efficace pour  isoler les idées reçues.

C'est aussi une bonne méthode pour amorcer l'écriture et la construction de votre documentaire. Partez d'une idée reçue et tachez de la déconstruire au cours du documentaire (la mode est une activité futile, toute la cuisine africaine est, le rock est un discours de révolte, etc.)   

Les idéologies sont plus ou moins falsifiables et inévitables : communisme, psychanalyse, racisme (eugénisme) et cetera sont autant de systèmes de pensée complexes qui reposent sur des idées reçues qu’on peut mettre en doute mais auxquelles il est difficile d’opposer un discours rationnel infalsifiable. Le propre de l’idéologie est de fournir à un ensemble de personnes une grille d’interprétation du monde facile d’emploi (simpliste) et qui permet de faire l’économie d’une réflexion personnelle. C’est pourquoi on peut définir une idéologie comme « confusion entre la norme et le discours » (Pageaux).

Le sociologue épistémologue Raymond Boudon a notamment analysé les mécanismes idéologiques dans ses ouvrages L’art de se persuader et Les Idéologies ou l’origine des idées reçues. Il y démontre que dans l'histoire des sciences, c'est le plus souvent avec d'excellentes raisons que les hommes de science ont cru à des idées fausses. Ce qui est vrai de la connaissance scientifique l'est a fortiori de la connaissance ordinaire. Le fonctionnement normal de la pensée produit donc aussi naturellement des idées fausses que des idées vraies et seul un processus de sélection sociale plus ou moins long peut éliminer les premières au profit des secondes.


Bibliographie :
Ruth Amossy, Les idées reçues, sémiologie des idées reçues, Paris, Nathan, 1991.
Ruth Amossy, Herschberg Pierrot,  Stéréotypes et clichés : langue discours et société, Paris Nathan, 1998.
Raymond Boudon, L’Art de se persuader, Paris, Seuil, 1992.
Raymond Boudon, Les Idéologies, Paris, Seuil, 1992.

Edgar Morin, La Rumeur d’Orléans, Paris, Seuil, 1969.


IV - Montage

- Documentaire peine de mort : 
a ) Revoir le doublage. 
b) Intégrer musique et sons.

- Haikus à revoir

-  Nouveaux Haïkus voix. 



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