lundi 23 octobre 2017

Cours n°48 Bd de reportage 6 Des échos de Davodeau à Taipei + présentation de l'entretien avec Mei



Calendrier :
- Le 8 novembre Cheng Mei-chen, traductrice des Ignorants, viendra suivre le cours. Nous en profiterons pour faire une interview.

- Elle nous a transmis également le contact de Sean Chuang, 小莊 (nom complet : 莊永新 CHUANg Yong-Hsin) 

Il faut donc le contacter pour organiser une rencontre. Deux possibilités : on se déplace ou il se déplace ? S'il se déplace, ce peut-être sous forme d'une conférence. Ou bien nous nous déplaçons et dans ce cas il s'agit d'une simple interview.


Des échos de Davodeau à Taipei.
Il est venu au moins une fois à l'occasion d'une exposition à Taipei sur la BD au Louvre et sur la publication de son livre le Chien qui louche, traduit par Chen Chen Mei.


I - l'Avant-propos de Rural par Davodeau  :

Lecteur, je te vois. Tu hésites. Qu’est-ce que c’est ? Un documentaire ? Un reportage ? Peut-être un peu les deux.
Une chose est sûre : c’est de la bande dessinée.
Le champ de la bande dessinée est vaste. Je ne connais pas de raison pour le limiter à la fiction.

L’idée de ce livre tient en quelques mots : regarder, écouter. Raconter, dessiner.

C’est donc bien le récit d’un morceau de cette bonne vieille réalité que tu trouveras dans les pages qui suivent. C’est aussi, et surtout, une vraie histoire. Elles pullulent autour de nous. Il suffit d’avoir l’œil, de se pencher et de ramasser.

Pour éviter de raconter trop de bêtises sur les activités des gens qui figurent dans ce livre et surtout pour ne pas trahir leur propos, je leur en faisais systématiquement relire les textes. Et je corrigeais jusqu’à obtention de leur accord. C’est pour dessiner les scènes que j’ai racontées sans y assister que ce principe s’est avéré le plus utile. Sous un bombardement de questions, mon interlocuteur essayait de me donner une idée la plus précise possible des lieux et des faits. A ma table à dessin, je m’efforçais ensuite de retrouver l’essence de l’événement jusqu’à ce que ma retranscription soit agréée par son narrateur.
Là où la vidéo supporterait mal la cohabitation entre du vrai reportage et de pesantes reconstitutions avec comédiens, sa légèreté technique, la distance qu’elle impose à son sujet permettent sans effort à la bande dessinée d’unir ces scènes intégralement recomposées à celles dessinées de visu.
Mais justement, objecteront quelques sceptiques, qui peut nous garantir la véracité des faits  qui nous sont racontés puisqu’ils sont intégralement (re)créés par l’auteur ? Belle et saine méfiance. Approuvons la. Et parce qu’il serait illusoire d’imaginer qu’une caméra est naturellement plus objectif qu’un crayon, ne nous privons pas de l’appliquer aux images de tous les reportages et documentaires dont nous abreuve la télévision.

L’objectivité est une belle idée. Et bien sûr on peut sincèrement y prétendre. Mais on peut aussi considérer comme très difficile de s’affranchir de soi-même. Quel auteur peut affirmer avec certitude en livrant un récit que ni ses goûts, ni ses opinions personnelles ne sont intervenus dans son travail ?
Pas moi. On raconte d’un point de vue. Raconter, c’est cadrer. Cadrer, c’est éluder. Éluder, c’est mentir.
Alors non, l’objectivité n’est pas de ce livre.

Dans cette course à la probité, on peut essayer une tactique inverse : affichons comme un signal permanent que tout ce qu’on raconte n’est que ce qu’on en a perçu – nécessaire lapalissade – et pour ça, entrons dans le champ. L’idée est de se représenter pour que le lecteur ne puisse plus oublier qu'entre lui et ce qu’il lit sévit un individu qui a tout organisé.
Ce n’est pas moins honnête.
C’est en tout cas plus clair
… à mon avis, bien sûr.

Alors lis. Et dis-moi.

Questions : 

1 - Pourquoi Davodeau éprouve-t-il le besoin de s'adresser au lecteur ?
2 - Il fait référence à la réalité. S'agit-il pour autant du "réalisme" tel que l'entendait Balzac par exemple ?
3 - En quoi consiste "l'effort de probité" de Davodeau ?
4 - Que reproche-t-il à la vidéo ?
5 - Que répond-il aux "sceptiques imaginaires" qui l'accuse de manquer d'objectivité ?
6 - Que pourrait-on reprocher a cet effort de probite ? q cette recherche systematique de l'assentiment de ses interlocuteur ?



II - Quelques planches à commenter 

1 Rural : l'engagement politique sur le terrain... du journalisme de terroir...
Etienne Davodeau se rend dans une exploitation agricole qui s'est converti au bio et étudie leur cycle de production.

Étudions quelques planches :
- p. 7-13 : in medias res
- p. 90-97 : l'engagement sur le terrain, l'engagement politique

2 les Ignorants : le méta-discours critique...
Etienne Davodeau propose à un viticulteur un échange de bons procédés : il étudie auprès de lui sa technique pour faire du vin et en échange il l'initie au monde de la bande-dessinée.

Étudions quelques planches :
- p. 3-4. Le principe
- p. 53 - 57. L'interaction avec Lewis Trondheim

Incroyable "effet de réel" pour un réalisme qui place la narration au plus près d'un réel ("subjectivé"),  un réalisme sans prétention à l'objectivité, ce réalisme singulier qui caractérise la BD documentaire.

3 Le Chien qui louche : la défense du 9 ème art
Il s'agit d'une fiction avec beaucoup d'éléments empruntés aux réels. Etienne Davodeau imagine l'histoire d'un gardien du Louvre dont la belle famille veut introduire la "croûte" de leur bisaïeul. Un hold-up à l'envers.

Étudions quelques planches :
- p. 16 à 19 : la découverte du "chien qui louche"
- p. 49 à 53 : la victoire de Samothrace

III - préparation d'un questionnaire pour Chen Chen Mei, traductrice de Davodeau.

Nous avons élaboré les 5 questions suivantes qu'il faudrait approfondir :

1 - Avez-vous eu des contacts avec Etienne Davodeau pour faire la traduction ? Quand vous avez rencontré des difficultés, vous a-t-il aidé, ou fait part de ses opinions ?
cherchez des exemples précis.  (Comment traduire par exemple le jeu de mots de Trondheim sur le mot "bec" dans Les Ignorants)
2 - Comment les bandes dessinées qui portent sur des sujets très français, peuvent-ils toucher les Taïwanais ?
3 - Est-ce vous qui choisissez ce que vous traduisez ou votre maison d'édition ?
4 - Pourquoi Davodeau plutôt qu'un autre ?
5 - Combien de temps vous a-t-il fallu pour traduire un volume comme les Ignorants ?


IV - Davodeau à la radio : La fabrique de l'histoire sur France culture

Davodeau présente Le Chien qui louche
https://www.franceculture.fr/emissions/un-autre-jour-est-possible/bd-davodeau

Davodeau présente une BD sur l'Histoire de France
https://www.franceculture.fr/emissions/la-fabrique-de-lhistoire/la-bd-entre-dans-lhistoire-44-lhistoire-dessinee-de-la-france

V - Pratique :

La planche deuxième jet
Exercice de croquis reportage



mardi 17 octobre 2017

Cours n° 47 BD de reportage 5 la conquête de légitimité en toute humilité


 ”j’arrive là-bas, je ne connais rien”
Guy Delisle 



I - un mémoire de Lisa Aucquier 

« BD documentaire, Comment la BD média hautement subjectif gagne-t-elle sa légitimité dans le monde documentaire ? »

La problématique du mémoire de Lisa Aucquier lui sert de titre. Son mémoire est disponible à cette adresse : 

http://neuviemeart.citebd.org/IMG/pdf/auquier_lisa_ihecs_2014-2015_master2_ascep_article_la_bd_documentaire.pdf

Je relève quelques points qui peuvent nous intéresser. Je reviendrai ultérieurement sur d'autres aspects de ce mémoire.

Dans l'intro : 

p. 4 - "La frontière est mince, voire impossible à distinguer, entre la BD journalistique, la BD biographique ou encore la BD reportage. Mais nous pouvons les résumer comme une tentative de réunir, au fil des cases, le factuel d’un documentaire classique et la créativité du dessin".
même problème terminologique. 

p. 4 : "Keiji Nakazawa, qui racontait sa survie à la catastrophe nucléaire dans son manga Gen d’Hiroshima"

un auteur japonais. Le manga serait lui aussi concerné par la BD de reportage. 

p. 4 "Avec le monde de l’actualité, c’est aussi ceux de l’éducation et de la coopération qui s’intéressent à ce média. Ainsi, Médecins Sans Frontières a sorti en 2011 Out of Somalia, une bande dessinée réalisée par Andrea Caprez et Christoph Schuler qui illustre la survie dans un camp de réfugiés somaliens au Kenya". 

Des organismes plébiscitent la BD.

p. 5 "la BD documentaire s’offre comme un média alternatif à plusieurs points de vue. D’abord, par son apparence. Parcourue dans l’enfance, « la bande dessinée se présente comme un média d’accès facile, qui n’est ni impressionnant, ni inhibant pour le lecteur » (Bourdieu, 2012, p. 13). Ensuite, par ses thématiques. En effet, les processus de création et de publication d’une bande dessinée ne peuvent se conformer au modèle de l’information express de la presse actuelle, ainsi les sujets choisis doivent être pertinents sur le long terme (Daniels, 2010, 7’40’’)." 

- populaire et facile d'accès. 
- processus long évite l'info rapide

p. 7 "Néanmoins, des régularités traversent la plupart des BD documentaires ; la présence du narrateur-auteur, l’importance du métadiscours et la représentation de faits réels".

- la recherche de régularité : Parmi les régularités qu'il est naturel et nécessaire de rechercher quand on est face à un nouveau genre, il y la posture humanitaire. À la différence que Guy Delisle n'en présence que les coulisses. Il accompagne sa femme qui travaille dans une ONG. 

P. 9 Une définition générale mais imprécise et insuffisante : 

- "la définition émise en 1993 par l’auteur de BD, Scott McCloud, est considérée comme l’une de celles qui réalise la prouesse de recouvrir les différences stylistiques, spatiales et temporelles. Dans son livre L’art invisible8, il définit la bande dessinée comme « une forme d’expression constituée d’images picturales et autres, volontairement juxtaposées en séquences, destinée à transmettre des informations et/ou à provoquer une réaction esthétique chez le lecteur » (McCloud cité par Mouchart, 2004, p.5). Une définition qui inclut dans le monde de la BD aussi bien les hiéroglyphes égyptiens, la tapisserie de Bayeux que les aventures de Tintin, les mangas, ou les comics américains".

p. 10


Töpffer parlait de « littérature en estampes » dans les années 1830 et, quelques décennies plus tard, Caran d’Ache qualifiait son Maestro de « roman dessiné »... plus près de nous, le théoricien Harry Morgan préfère recourir aux termes de « littérature dessinée ». Le mérite de ces trois expressions est de donner une idée plus juste de ce que l’on doit considérer comme une forme narrative, sa principale fonction restant le récit avant toute chose, que celui-ci soit fictif ou non (2004, p. 5).
Mais aucun de ces termes ne supplante celui de bande dessinée. Une expression s’est malgré tout plus ancrée que les autres : celle de roman graphique. Celle-ci fût lancée par Richard Kyle en 1964 aux États-Unis « dans le but de neutraliser les connotations péjoratives du terme comics » (Argod, 2014, p.2). 


p. 10 - 11"BD documentaire, BD de reportage ou BD journalisme. Ces différentes appellations s’inscrivent dans le genre particulier de la BD du réel. Le scénariste français Sylvain Ricard définit la BD du réel comme « tout ce qui concerne des faits qui se sont réellement passés et qui sont traduits en dessin » (cité par Albert, 2013). Celle-ci peut se manifester à travers différents sous-genres, dont l’un d’eux serait la BD documentaire. Néanmoins, les séparations entre ces divers sous-genres ne sont pas toujours nettes. En
10

anglais les termes désignant les BD documentaires varieront de Non-fiction Comics ou Graphic non-fiction novel ou comics journalism. Chacun de ces termes recouvrant une partie de la vérité et en omettant d’autres facettes. La notion de fiction historique, par exemple, est ignorée des termes anglophones Non-fiction Comics ou Graphic non-fiction novel.  

p. 12 :  BD documentaire : une définition. 

"la bande dessinée documentaire est une trace constituée d’images picturales et autres basées sur des documents, volontairement juxtaposées en séquences, destinées à transmettre la vision d’un auteur sur un élément du réel. En d’autres termes, c’est le discours subjectif d’un individu à un autre individu avec ce moyen qu’est la bande dessinée, c’est-à-dire une combinaison d’images et d’écrits."

p. 12 : le flou persiste

La limite entre documentaire et fiction et documentaire et reportage est tout aussi floue dans le domaine du neuvième art. Les Chroniques de Guy Delisle est une autobiographie proche du carnet de voyage. Saison Brune, de Philippe Squarzoni, est un essai écologique, tout en bulles. Plus inclassable encore, Quai d’Orsay, de Christophe Blain et Abel Lanzac, qui est une mise en récit, une fiction inspirée de l’expérience de Dominique de Villepin au siège de l’ONU et aux affaires étrangères (Brison, J. Gasnier, E. Mal, C, 2013).  

p. 13 : BD de reportage ou BD documentaire : 3 critères


1 - la BD de reportage est réalisée/dessinée par un journaliste
"Didier Mauro, cinéaste et sociologue des arts, distingue la position du créateur de documentaire qui est réalisé ou dessiné par un auteur, du reportage qui lui est réalisé ou dessiné par un journaliste (2013). De ce point de vue, il serait dès lors facile de scinder les œuvres documentaires des œuvres de reportage en bande dessinée. En fait, seul un journaliste est réellement présent dans le monde de la bande dessinée, le célèbre Joe Sacco. Le journaliste Jean-Christophe Ogier approfondit ce point de vue. Pour lui, les seules BD de reportage sont presque exclusivement celles de Joe Sacco. Joe Sacco regarde le monde comme un artisan à travers le filtre des techniques journalistiques acquises durant ses études. En fait, il applique simplement les principes du journalisme aux médias de la bande dessinée. Joe Sacco lui- même se désigne comme un journaliste aux mouvements lents (03 juin 2015). 


"Une définition à laquelle Joe Sacco correspond. Avec lui s’ajouteraient les nombreux reportages qui illustrent les revues d’actualités telles que 24h01, XXI ou encore la Revue Dessinée, qui ne sont pas tous réalisés par des journalistes, mais tous commandités par une entité journalistique et à qui s’applique cette même logique."

2 - La subjectivité assumée : 

"Il est difficile, voire impossible, de présenter une neutralité de point de vue avec ce média. Mais, cette subjectivité est largement assumée par les dessinateurs. L’une des principales preuves en est la quasi systématique représentation des auteurs dans leurs propres œuvres. Un témoignage de leur présence sur les lieux qui confirme que c’est bien leur vision, et leur point de vue des choses qui est exposé. Et qu’en tant qu’être présent, ils influent sur la réalité qu’ils observent. Sous ce point de vue là, qu’advient-il de l’œuvre de Sacco, qui se dessine lui-même dans son œuvre, qui assume et promeut la subjectivité de ses BD ?
3 - La BD documentaire suppose un travail de création qui s'inscrit dans la longue durée.  


P. 15-6"Christopher Van Rossom, précise cette distinction.

Dans un documentaire de création, il y a un travail qui n’existe pas dans le reportage. Il y a un travail de découpage, de montage, de script, qui est absolument indispensable à penser en amont, pendant et éventuellement après. ... On a sélectionné et accumulé un certain nombre d’images et de bobines, il ne s’agit pas de les montrer brutes, il faut les monter, les organiser et les construire avec, ce qui est un point commun avec la fiction, un scénario. Un documentaire de création suppose un scénario, une vision, un regard, un point de vue de celui qui a non seulement filmé, mais qui les commente, les illustre. Toutes ces dimensions montrent qu’on a affaire à un travail de création. Ce dont ne se soucie pas le reportage, qui a pour fonction de montrer de manière ponctuelle, sans aucun artifice, un témoignage brut (2015).

Il poursuit en s’intéressant à la notion de temps.

Le reportage journalistique est dans une logique de court terme, il s’agit de réagir vite sur quelque chose qui survient. C’est filmé très vite, monté assez vite. ... le documentaire c’est quelque chose qui s’inscrit dans une durée plus longue, un travail à plus long terme avec du recul, la conception d’une stratégie d’appréhension de la réalité qui est plus large, qui n’est pas subordonnée à un objectif qui est d’informer (2015).

Cette construction, cette réflexion et ces choix sont un passage obligé pour tout dessinateur de bande dessinée."  



puis analyse de Guy Delisle

II - 3 volumes de Guy Delisle :

p. 40-1 : Guy Delisle est né en 1966 à Québec. Il étudie l’art plastique et l’animation. Il entame sa carrière dans le dessin animé en travaillant pour divers studios au Canada, en Europe, mais aussi en Asie. Il réalisera plusieurs courts-métrages, et participera à la production de nombreuses séries télévisées. Il n’abandonne pas pour autant ses crayons. En marge, il publiera à l’Association Réflexion en 1996 et Aline et les autres en 1999, des bandes dessinées expérimentales. Envoyé dans un nouveau studio à l’étranger, c’est en 2000, après un voyage en Chine, qu’il rédige sa première bande dessinée autobiographique:
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Shenzhen. Entre carnet de voyage et chronique, il y relate son quotidien sur un ton faussement naïf et humoristique. Il repartira à l’étranger pour travailler en Corée du Nord. S’en suivra, en 2002, Pyongyang. Un beau succès. L’apparente innocence du dessin lui garantit une plus grande liberté dans le pays qui censure d’autres médias plus traditionnels. En 2007, utilisant la même recette, il conte dans Chroniques Birmanes, son séjour à Rangoon. L’une des plus grandes différences avec ces deux précédents livres est qu’il est ici pour accompagner sa femme employée par MSF. Il y endosse le métier de père au foyer et découvre, accompagné de son fils, les particularités du pays. Avec grande efficacité, il mêle petites histoires du quotidien et la grande histoire du pays. En 2012, c’est son séjour à Jérusalem qu’il met en récit. Une année entière racontée dans un pavé de 330 pages ! Une œuvre récompensée au Festival d’Angoulême en 2012 par le Fauve d’or : prix du meilleur album. Une belle consécration de son travail (Documentation de Radio-France, 2012). 

1 - Pyongyang, 2003

2 - Chroniques Birmanes, 2007

3 - Chroniques  de Jerusalem, 2011

p. 42 : simplicité des formes, naïveté du regard.
p. 43 : plus la ligne est claire, plus il est facile de l'animer.
p. 44 : simple mais efficace.

p. 45 :

À Jérusalem, il endosse le rôle de père au foyer tiraillé entre l’emploi du temps de sa femme, de ses enfants et la réalisation de ses croquis.


Le jour, il croque l’architecture de la ville sur son carnet. Son regard, lui, avale le quotidien, les habitants, la ville, qu’il présentera par la suite dans sa BD. «Tout le talent de ce dessinateur-voyageur tient dans cette attention constante aux détails qui échappent d’ordinaire aux touristes, mais qui en disent long sur le pays visité et affectent durablement le regard du lecteur » (Baptiste, 2008, p. 166).

Delisle est un expatrié, presque ordinaire, au regard aiguisé, muni d’une arme redoutablement efficace : la dérision. En effet, l’une des qualités du récit est sa légèreté. Pourtant, sous ses airs faussement naïfs, l’auteur est loin d’être ignorant. 

p. 46  :

Et ce qu’il voit, c’est l’absurde. Un mot qui reviendra dans la bouche de nombreux lecteurs. L’absurdité du conflit, l’absurdité de la religion, l’absurdité de la politique. L’absurdité pour cet athée convaincu plongé dans ce haut lieu saint où confluent 3 religions importantes, l’absurdité des frontières pour ce globe-trotter invétéré, l’absurdité des médias, l’absurdité du transport, l’absurdité du quotidien. 



III - Radio : Guy Delisle à France-Culture

Sur Chroniques de Jerusalem :
https://www.franceculture.fr/emissions/un-autre-jour-est-possible/chroniques-de-jerusalem


IV - Travaux pratiques : Compliquons un peu les choses en introduisant deux nouvelles contraintes:

- Une planche avec une photo intégrée à la manière de Guibert ou Hippolyte (possibilité de recourir plus généralement au collage)

- Déterminer un sujet plus précis propice à fair une histoire... (ex : personnes qui se masse sur les arbres...)



mardi 10 octobre 2017

Cours n° 46 Bd de reportage 4. D'un manifeste l'autre. Du petit XXème à XXI.


Deux couvertures 
et deux manifestes 
sur la Bd de reportage


I - D'un manifeste l'autre. Du Petit XXème à XXI.

J'en suis encore à vous présenter les fondations de la BD de reportage. L' Avant-propos de Grands-reporters par Saint-Exupéry, rédacteur en chef de XXI qui fait écho au manifeste de XXI rappelle bien sûr le texte-manifeste de Joe Sacco que nous avons précédemment étudié.

C'est d'abord une extraordinaire consécration, cette reconnaissance souhaitée par Joe Sacco, attribuée aux dessinateurs de Bd de reportages.

Recueil des reportages dessinés de la revue XXI

On retrouve la figure de Tintin et ce n'est pas anodin et au "Petit XXe" le journal imaginaire pour lequel travaille le jeune reporter dans Tintin au pays des Soviets (1929).

"Volontairement cantonnés en lisière, ils préféraient se jouer du journalisme, à la manière du mythique héros de Hergé".

"une œuvre de bandes dessinées peut-elle se concevoir comme un «bel article » ? Telle est la problématique de l'article.

"De Photos, il n'y en a aucune et pour cause, Hergé ne s'est jamais rendu en Russie soviétique"
Saint-Exupéry, lui, sait de quoi, il a été lui-même envoyé spécial à Moscou. La référence obligatoire à la photo, surprenante ici, dans le contexte de l'évocation de Tintin au pays des Soviets.

"sans jamais franchir la ligne du réel" : l'enjeu pour la BD est donc là : la "non fiction" = le réel. C'est ce dépassement qui va permettre au genre de passer à un "art majeure" : "Née au XIXe siècle, la bande dessinée restent encore tenue pour un art mineur"

Patrick de Saint-Exupéry fait une histoire expresse de la BD de reportage en s'arrêtant au moment clé, aux auteurs phares. Après Hergé et Töpffer, vient Art Spigelman qui "ouvre avec fracas la bande dessinée au documentaire historique. Son Maus lui vaut un Pulitzer 1992".

Puis Trois grands initiateurs-précurseurs

1 - Joe Sacco : Palestine, 1990."À son art graphique, il additionne l'exigence de l'enquête, du constat et des propos entendus. Il n'invente pas un personnage de journaliste, il l'est. Il ne crée pas une situation, il la restitue. Il n'imagine pas un décor, il est de plain-pied dans la vie."

"Sidération" :  la "bande dessinée sort de sa bulle". "Les auteurs sortent de leurs cases de papier". Sant-Exupéry à le sens de la formule. Ainsi exprime-t-il la nouveauté que constitue la "BD du réel" (voir l'émission de France Info à ce propos)

2 - Guibert : Le Photographe, 2000 "Les tribulations du photographe en Afghanistan sont un récit de première main, construit les agencer avec rigueur et générosité. On y partage une expérience de la réalité."

3 - Stassen : Déogratias, 2000 "il propose une lecture du drame rwandais, théâtre du dernier génocide du 20e siècle."

Nous avons vu les deux premiers. Nous allons voir le troisième.

"Tous parlent de gens vrais, de situations vraies. Portés par des regards d'auteurs souvent présents dans la narration, ces récits racontent et témoignent. Les dessins disent la chaleur, la boue, l'espoir, la confusion, la joie. Les textes écrivent l'histoire. Les cases – carrées ou brisées – ouvrent place dans leurs interstices à l'imaginaire".

"Il aimerait faire comme Tintin"


"A quand un prix Albert Londres du BD-reportage ?"

Nous bouclons la boucle avec Albert Londres et le lien avec le journalisme littéraire et le grand reportage que nous avons étudiés au semestre dernier. En effet, si la crise du journalisme se caractérise par une disparition du grand reportage et en réaction, minoritaire, la création d'organe de presse et d'institution pour lutter contre sa disparition, la BD de reportage,  elle ne bénéficie pas d'un Âge d'or susceptible de démontrer sa légitimité. Il faut qu'elle la crée de toutes pièces.


II - Tintin enfin sur le terrain. La belgique, ses BD et ses colonies.




1 - L'Anti-tintin.

Jean-Philippe Stassen, Pawa, Delcourt, 2002.

Avec Joe Sacco et Guibert, c'est le "troisième précurseur" que mentionne Patrick de Saint Exupéry.
Auteur de Deogratias
Il signe la BD de reportage du numéro I de XXI. Le lien avec Saint-Exupéry est fort. Tout deux partagent notamment une grande connaissance du génocide rwandais.

Je vous propose la lecture d'une Bd-nouvelle intitulée "Harald".

Regard (graphico-ethnologique) totalement anticolonialiste qui décrit les dérives scandaleuses des Organisations à vocation humanitaire telles que l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR)

2 - Hyppolite, un anti-Tintin, produit par XXI : deux reportages et une BD produit par Les Arênes.

- L'Afrique de papa, revue XXI.
- Les enfants de Kinshasa, revue XXI.
- La Fantaisie des Dieux, Les Arênes, 2014

https://www.clicanoo.re/Culture-Loisirs/Article/2017/03/12/Hippolyte-passeur-dhistoires_457263


III - Travaux pratiques :

À partir des 3 strips ou bandes (en trois cases) que vous avez dessinés, intégrez bulles ou commentaires.

Vous êtes libres de la faire à l'intérieur ou à l'extérieur de la vignette (inspirez-vous de Stassen, Sacco, etc. ils ont une grande liberté).

Vous pouvez recourir aux deux langues français et chinois (soit l'une est la traduction de l'autre soit les deux langues se font écho, dialoguent, se rencontrent autrement).

IV - Radio. Sur France Info : la "BD du réel". Vignettes et étiquettes

Dans le cadre d'une recherche terminologique pour désigner ce nouveau genre, on trouve ici la notion de "BD du réel" qui permet d'éviter l'anglicisme "Bd de non-fiction"

http://www.francetvinfo.fr/replay-radio/bd-bande-dessinee/bd-bande-dessinee-le-monde-se-decouvre-en-bd_2149014.html