mercredi 25 mai 2016

Cours n° 30 La médiologie est-elle un sport de combat ?

"Là où d'autres avancent probablement sans difficulté et à la même vitesse que l'auteur, je trébuche presque à chaque pas sur des assertions qui me sembleraient exiger, pour pouvoir être  tout à fait comprises et ensuite acceptées, des élucidations, des distinctions, des explications et des justifications qui sont généralement absentes. Mais c'est précisément l'avantage  du philosophe-écrivain sur le philosophe-analyste  que de réussir à donner l'impression que l'ont peut tout à fait s'en passer. "le médiologue nous dit Debray, est spontanément hypermétrope, il voit mieux loin que près". C'est peut-être vrai. mais je crois qu'en philosophie la myopie a aussi ses avantages et j'ai l'impression que, même sur un sujet qu'il connaît en principe mieux que le théorème de Gödel, il vaut mieux pour le médiologue que l'on ne cherche pas à regarder de trop près ce qu'il voit de loin". 

Jacques BOUVERESSE, Prodiges et vertiges de l'analogie, Raisons d'agir, 1999, p. 16-17 

M. Chim Him-sam 
interviewé par David (何俊宏), Régine (劉書宓), Angélique (金 煜婕).
Dimanche 22 mai 2016, au Mémorial des Droits de l'homme de Jing-mei





I - Défense et illustration des Sciences-humaines :


J'emprunte le titre de ce cours à un documentaire de Pierre Carles consacré à Bourdieu : La Sociologie est un sport de combat (2000). Même si la sociologie de Bourdieu, s'est distingué comme une entreprise de lutte contre les élites sociales, on peut concevoir l'activité intellectuelle en générale comme un lieu de combat perpétuel dont les armes sont les idées. On les  assène, on les contredit, on les réfute. Elles survivent, disparaissent, ressuscitent... Le monde des idées s'est construit suivant une succession de querelles. Pourquoi une telle férocité ? 

Je partirai d'un doute (ou d'une difficulté) rencontré par David au cours de ses recherches.

Celui-ci se demande, alors qu'il étudie Blanchot et Barthes (lesquels ont produit une pensée sur des sujets très similaire : l'écriture en l'occurrence), de comparer des auteurs qui, travaillent sur le même sujet mais avec des méthodes et des concepts qui n'ont pas grand chose à voir entre eux. En les comparant, on tombe sur des contradictions, ou sur des raisonnements si éloignés, les uns des autres qu'il semble absurde de les comparer. Peut-on et doit-on dépasser cette aporie (problème insoluble) ?

Oui et non. 

1° réponse : 

"Quand on lit un auteur, il faut s'efforcer de comprendre son système, son mode de pensée, la cohérence interne de ses idées. Et plus un penseur est bon et plus la cohérence peut être forte. 

Mais il faut savoir que dans le domaine des sciences-humaines, les systèmes qu'on crée sont toujours imparfaits. À l'inverse des sciences formelles, comme la logique ou les mathématiques, nous travaillons avec des signes opaques qui ne nous permettent pas de créer des systèmes aussi cohérents qu'ailleurs. Autrement dit, la contradiction est partout. Aussi cohérent soit un auteur, il créera nécessairement en même temps de l'incohérence et de la contradiction. Par conséquent, s'efforcer de comprendre un auteur, c'est aussi avoir à son égard une certaine forme d'indulgence parce qu'il travaille avec un matériau (la langue) imparfait. 


Cependant, il ne faut pas renoncer à comparer les systèmes de pensée entre eux. Nul doute qu'on trouvera des tonnes de contradictions d'un auteur à l'autre. Comparons par exemple, Barthes et Foucault. Leurs méthodes sont complètement différentes. Ils parviennent par des détours qui leur sont propres à une idée commune d'asservissement aux normes sociales. Il y a moult contradictions. Ce qu'il faut se demander, c'est si ces contradictions sont importantes, si elles servent ou non notre propre raisonnement, ou bien si au contraire, elle sont négligeables comme tant d'autres... tout dépend de ce que l'on veux dire. 

2 ° réponse : 



Comme pour la sémiologie, la médiologie souffre d'une raréfaction des troupes. Ce sont dans les deux cas des disciplines moribondes. Elles ont, toutes deux, échoué dans leur entreprise de s'instituer en tant que science. A cela plusieurs raisons (j'ai déjà critiqué l'ambition démesurée de la sémiologie au premier semestre)


Les idées ont souvent une portée subversives. Elles sont gênantes (cf. Bourdieu). Elles sont aussi des enjeux de pouvoirs (pré carré). Elles ont surtout déçu une exigence de vérité qui étaient au coeur de leur projet (idéal scientifique). 

Or il n'y a pas de vérité en sciences humaines. Les sciences humaines ne sont pas des sciences falsifiables (Popper). L'opacité, l'approximation, la contradiction de nature caractérise une forte opposition aux sciences exactes. Ça a des conséquences importantes sur la façon de concevoir la recherche et également sur la posture de l'intellectuel.

L'affaire Sokal : deux scientifiques (Sokal et Bricmont) attaquent violemment a les principaux représentants du courant de la postmodernité (et par glissement d'une grande partie de l'intelligentsia française (identifié à la French Theory) en montant un canular ( faux article publiés dans une revue de science humaine de bonne réputation) qui a pour but de discréditer, et de révéler l'imposture des "discours littéraires". Bouveresse dans un ouvrage qui reprend les enjeux de la querelle s'attarde sur la figure de Régis Debray qu'il accuse d'utiliser abusivement, par scientisme, le théorème de Gödel. 


On trouvera toujours des contradicteurs faute de pouvoir démontrer de manière irréfutable ce qu'on avance. Cela n'empêche pas l'exigence de précision et faute d'un progrès de la science au moins un progrès de la connaissance. L'aventure intellectuelle promet d'être extraordinaire.

II - Questionnaire de fin de cours et évaluation :



1 ) Médiologie et sémiologie : quelles sont les différences et les points communs ?
2 ) Médiologie et urbanisme : pourquoi la médiologie s'intéresse-t-elle aux monuments et au patrimoine urbain ? 
3 ) Médiologie, radio et cinéma : quels sont les rapports entre la radio, le cinéma et le nationalisme ?  
4 ) Médiologie et spectacle : que disent les médiologues de la société du spectacle ? 
5 ) Quelles rencontres et interviews vous ont le plus touché ? Pourquoi ?


L'Évaluation (si nécessaire) portera sur la réponse aux questions et la réalisation des portraits radiophoniques.


III - Portraits radiophoniques sur le site du BFT :

1 - Nous accueillons aujourd'hui Sarah Vandy et Aurélie Kernaleguen qui ont accueilli au BFT deux d'entre vous en stage et qui viennent nous parler de leur pratique professionnelle (en rapport avec le traitement de l'information). 

Quelles questions ?  Quelles attentes ? 


Elles ont diffusé les portraits radiophoniques disponibles aux adresses ci-dessous. 

2 - Profitons, pour faire le point sur les portraits radiophonique : à finaliser pour le jeudi 2 juin (même s'il n'y aura pas cours, je passerai de 9 à 11 h)


·         Samba :

·         Sophie Hong :

·         Arnaud Lechat :

Pour les publication sur FB, il n’y a pas de lien en particulier, il suffit d’aller sur la page FB du BFT pour les retrouver dans le fil d’actualité : https://www.facebook.com/franceataiwan

Les articles sont classés dans la rubrique « Dossiers et grands entretiens »  accessible sur la page d’accueil du BFT. Certains apparaissent également actuellement à la Une déroulante (Sophie Hong) ou dans ‘Actualité’ (Arnaud et Samba).


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