mercredi 11 mai 2016

Cours n°27 Conférence de Mélanie Ferrand. "Une jeune journaliste à RTI. Une petite histoire dans la grande"

 "Le regard est libre, l'ouïe est serve. Obéir en grec, ne se dit-il pas "écouter" (upakouein) ?"
Régis DEBRAY,  Vie et mort de l'image, Paris, Gallimard, 1992, p. 383




I - programme des entretiens à venir :

  • Interview de Tanguy Lepesant : sur le thème des manuels. Mercredi 18, de 16 h à 17h ou 17h à 18 h ? à vérifier... 
  • Visite de la prison de Jin-mei et interview de M. Chin : Dimanche 22 ? 
  • Jeudi 26 : dernier cours. nous accueillerons Aurélie Kernaleguen et Sarah Vandy 


II - Introduction : Radio outil de liberté ou radio outil d'asservissement ?


"Voir c'est se retirer du vu, prendre du recul, s'abstraire. L'oeil se place hors champ, l'oreille s'immerge dans le champ sonore, musical ou bruité. On voit de loin, mais on entend de près. L'espace sonore absorbe, boit, pénètre; on est par lui possédé quand on peut posséder des êtres et choses par des vues "claires et distinctes" comme une idée. Le regard est libre, l'ouïe est serve. Obéir en grec, ne se dit-il pas "écouter" (upakouein) ? Il y a un principe de passivité dans l'audition, d'autonomie dans la vision: on peut sauter les pages d'un livre, non les séquences d'un film en salle,  qui vous impose son défilement et son rythme. la perception visuelle est en soi distanciée, la perception sonore est fusionnelle, sinon tactile. Le son est du côté du pathos, l'image d'idea, Affect ici, abstraction là. Tout discret et hétérogène qu'il soit, l'espace des sons est réfractaire au more geometrico. L'ouïe n'est pas un organe d'analyse comme l'oeil. Elle ignore la séparation du sujet et de l'objet; peut-être aussi celle de l'individu et du groupe, et, si  l'on remonte l'histoire d'un corps, elle nous transporte jusqu'avant la sortie du ventre maternelle. Le foetus entend le corps de sa mère, vacarme omniprésent, et le bébé encore aveugle écoute déjà. L'image est avant le mot, mais le son est encore d'avant l'image. Il y a des révolutions du regard, mais tout suggère qu'il ne peut y en avoir d'équivalentes dans l'écoute. L'ouïe est archaïque par origine et par constitution. Or l'audiovisuel tempère le détachement  optique par l'attachement sonore, dans une combinaison instable où l'audio tend à prendre les commandes. Techniquement, on peut couper le son de sa télé, ce qu'on ne peut faire au cinéma. Mais il y a eu et il peut y avoir du cinéma muet, alors qu'on ne peut concevoir une télé muette" Régis DEBRAY,  Vie et mort de l'image, Paris, Gallimard, 1992, p. 383-4.

D'un côté média chaud, de l'autre outil d'émancipation, voilà qui est paradoxal.

C'est pourquoi nous demanderons aussi à Mélanie Ferrand, sensible aux questions de citoyenneté, de démocratie et donc de liberté, ce qu'elle pense de ces deux aspects paradoxaux de la radio.

En effet, n'incarne-t-elle pas ce paradoxe, à RTI, radio gouvernementale, ancienne radio de propagande, où elle anime une émission baptisée "initiative citoyenne" ?

III - Écoutons la radio :

http://french.rti.org.tw/program/?recordId=1271


IV - Le questionnaire :


  1. Présentation : pourriez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours ? Pourquoi êtes-vous venue à Taïwan ?
  2. Formation : Quelle formation avez-vous suivie pour être journaliste ? Quelles compétences exige la profession de journaliste radio ?
  3. Histoire de RTI : Comment s’inscrit l’histoire de RTI à l’intérieur de l’histoire générale de la radio ? Comment s’est passé la transition entre la période de la loi martiale (monopole d’état) et la période de la démocratie ?
  4. Radio pirate et web-radio : Y avait-il des “radios pirates” ? Les considérer-vous comme des “initiatives citoyennes” ? Quels rôles ont-elles joués dans la démocratisation du pays ? Les Web-radios représentent-elle un nouveau danger pour RTI  ?
  5. Liberté : Maintenant que RTI n’est plus un média de propagande, quelle est votre marge de liberté au sein de votre rédaction ? Quelles sont les limites à ne pas dépasser ? Exemples ?
  6. Audimat : Pouvez estimer le nombre d’auditeurs aujourd’hui ? Combien d’auditeurs comptait la radio autrefois? Avez-vous des retours d’auditeurs ? Que disent-ils ?
  7. Média chaud : "Le regard est libre, l'ouïe est serve. Obéir en grec, ne se dit-il pas "écouter" upakouein ?"  Que pensez-vous de ce jugement de Régis Debray ? (Vie et mort de l'image)
  8. Initiatives citoyennes : Quelles initiatives citoyennes vous ont particulièrement touchée ? Êtes-vous vous même engagée ?
  9. Expérience racontée : En tant que journaliste-radio, pourriez-vous nous raconter une expérience qui vous a marquée ? Quelle leçon en avez-vous tirer ?
  10. Modèle  : avez-vous en tête des modèles d’émissions de radios (A Taiwan ou en France) ?


V - Pour préparer l'entretien avec Tanguy Lepesant sur les manuels scolaires : deux articles du Monde signés Mattea Battaglia

"On peut faire dire ce que l'on veut à un manuel scolaire. Ce qui compte, c'est l'usage qui en est fait"

Le Monde.fr | 19.04.2013 à 14h39 |
Propos recueillis par Mattea Battaglia

Laurence De Cock, historienne, est professeure agrégée en lycée. Elle a notamment dirigé La Fabrique scolaire de l'histoire (Agone, 2009). Fondatrice du collectif Aggiornamento histoire-géographie, elle réagit sur le contenu des manuels scolaires à l'occasion du séminaire qui réunit éditeurs et chercheurs, vendredi 19 avril, au Palais-Bourbon. Intitulé "Egalité, diversité et République, de la recherche au manuel scolaire", cette rencontre est l'occasion d'examiner la manièret dont les ouvrages abordent les questions de diversité – diversité d'origines, entre hommes et femmes, et d'orientation sexuelle. Et de débusquer les éventuels clichés pour mieux lutter contre les discriminations.

Le contenu des manuels scolaires est l'objet de controverses récurrentes, nourries par les mises en cause émanant de personnalités politiques ou de groupes de pression... Comment analysez-vous ces crispations ?
Rappelons d'abord qu'elles ne sont pas récentes. Le fait que la société civile, via des associations ou des élus, exerce sa vigilance vis-à-vis des manuels scolaires s'est accentué depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Cela peut se comprendre à deux échelles : celle de l'enseignement de l'histoire tout d'abord, fortement politisé et passionnel – puisque censé contribuer à l'éveil d'une conscience politique. Celle de l'école républicaine en général, à laquelle on attribue une puissance quasi démiurgique et sur laquelle tout le monde s'arroge le droit d'avoir un avis.
Les crispations plus récentes sont, elles, liées aux changements de programmes d'histoire dans tous les cycles (2008-2010). On a touché aux contenus – intégration de questions dites sensibles, mémorielles, extra-hexagonales – autant qu'à leur forme, en optant pour une discontinuité chronologique dans le secondaire. Plus globalement, ces controverses révèlent avant tout les tensions intrinsèques à l'histoire scolaire, sachant que le pari de l'exhaustivité est impossible et qu'il faut bien procéder à des arbitrages.
Parmi les débats sur l'enseignement de l'histoire, il y a celui sur la prétendue disparition des "héros" et du "roman national". Qu'en est-il exactement ?
Les débats récents sur l'identité nationale ont été alimentés par la publication d'ouvrages s'inquiétant d'une "perte d'identité" de la France, et pointant du doigt la responsabilité de l'enseignement de l'histoire. A l'inverse, certains jugent les programmes trop franco-centrés et estiment qu'ils accordent peu de places aux minorités.
Cette critique a été entendue par les concepteurs des programmes, qui ont accentué leurs finalités mémorielles. La gageure est de maintenir un récit cohérent avec la multiplicité des récits dissonants. Nous en sommes exactement là : face à la nécessité d'inventer une nouvelle manière de dire les histoires en une Histoire.
N'y a-t-il pas, dans les esprits, confusion entre manuels et programmes scolaires ?
En effet, la plupart des analyses catastrophistes des contenus scolaires reposent sur l'idée que la lecture des manuels permet de saisir ce qui s'enseigne en classe. C'est faire fi à la fois d'une réflexion préalable sur ces objets hybrides que sont les manuels, et sur les réalités de ce qui se passe dans la "boîte noire" de la classe.
Les manuels sont conçus à partir des programmes mais répondent à des injonctions commerciales et ont une totale liberté d'adaptation des programmes. Ils ne sont pas labellisés éducation nationale. Les choix éditoriaux sont variables selon qu'ils s'adressent plutôt aux enseignants ou aux élèves. Tout cela conditionne la forme et le fond et explique que chaque éditeur ait sa propre identité.
Au final, un manuel apparaît comme une sorte de patchwork où s'entremêlent des doubles pages thématiques, un cours écrit (de plus en plus léger), des exercices, des entraînements méthodologiques et beaucoup de supports iconographiques. Qui peut prétendre les caractériser idéologiquement ? On peut faire dire ce que l'on veut à un manuel scolaire… Ce qui compte, ce sont les usages qui en sont faits à la fois par les enseignants et par les élèves.
L'opacité dans l'élaboration des programmes est-elle en cause ?
L'opacité actuelle, la précipitation et la déconnexion du terrain dans l'élaboration des programmes, leur lourdeur ont alimenté la colère des enseignants. En tant que projets de société, les programmes doivent être pensés en toute transparence et de manière démocratique. C'est ce que laisse espérer le Conseil supérieur des programmes qu'entend créer le ministre de l'éducation, Vincent Peillon, à condition qu'il soit bien un organe composite, ouvert à la demande sociale.
Les programmes doivent être largement débattus à chaque étape de leur confection : de la lettre de cadrage ministérielle à la mouture finale. Et avant d'être écrits, ils doivent répondre à la question la plus urgente : apprendre l'histoire, à quoi bon ? Car tiraillée entre ses finalités identitaires, civiques et critiques, il est à craindre que l'histoire scolaire intéresse davantage ses détracteurs – à l'extérieur de l'école – que les élèves eux-mêmes.



Diversité, égalité, sexualité… Les manuels scolaires veulent se mettre à la page
LE MONDE | 19.04.2013 à 10h32 • Mis à jour le 19.04.2013 à 14h40 |
Par Mattea Battaglia


En plein débat sur le mariage pour tous, c'est un chantier sensible que les éditeurs de manuels scolaires ont engagé : examiner comment les ouvrages aux mains des collégiens et des lycéens abordent les questions de diversité – diversité d'origines, entre hommes et femmes, et d'orientation sexuelle. Débusquer les éventuels clichés, interroger la justesse des représentations, pour mieux lutter contre les discriminations.
"Dans une société aux mutations de plus en plus rapides, il est illusoire d'imaginer que les questions sociétales n'irriguent pas l'école", explique Sylvie Marcé, PDG des éditions Belin et vice-présidente du Syndicat national de l'édition (SNE). "Evidemment que les questionnements qui divisent l'opinion nous atteignent", ajoute Pascale Gélébart, directrice de Savoir-Livre, association qui regroupe six éditeurs (Belin, Bordas, Hachette, Hatier, Magnard et Nathan). "Mais notre démarche n'est en aucun cas militante, souligne-t-elle. Il s'agit de voir comment l'édition scolaire peut mieux tirer profit des apports les plus récents de la recherche."
Un premier bilan devait être rendu public vendredi 19 avril, au Palais-Bourbon, dans le cadre du séminaire "Egalité, diversité et République, de la recherche au manuel scolaire". Invitée d'honneur : la ministre déléguée à la réussite éducative, George Pau-Langevin. Organisateurs : les éditeurs scolaires et le think tank République et diversité – un partenaire "engagé". Son président, Louis-Georges Tin, fondateur de la Journée mondiale contre l'homophobie, cofondateur du Conseil représentatif des associations noires de France, se félicite des "regards croisés instaurés entre chercheurs et éditeurs". C'est lui qui, durant plus d'un an, a cordonné avec les éditeurs le travail de décryptage d'une cinquantaine de manuels. A leurs côtés, une quinzaine d'universitaires et de chercheurs – de la neurobiologiste Catherine Vidal au professeur de sciences politiques Eric Fassin –, ont compulsé des centaines de chapitres.
"CE QUI COMPTE, CE SONT LES USAGES"
Pas d'impasses, pas de caricatures dans les livres de classe passés à la loupe dans trois disciplines : histoire, biologie et français. "Nos ancêtres les Gaulois… cela fait belle lurette qu'on n'en est plus là, ironise Louis-Georges Tin. Globalement, les manuels traduisent bien la diversité de la société, mais des lacunes subsistent. Et si des efforts ont été faits sur la question de l'égalité entre hommes et femmes ou sur celle de la diversité des origines, la problématique de l'orientation sexuelle est, elle, à peine évoquée."
Quelques lignes, un paragraphe tout au plus, distinguant l'"identité sexuelle" de l'"orientation sexuelle" dans des manuels de biologie de 1re L et ES : ça peut sembler peu. Et pourtant, cela a suffi à mettre le feu aux poudres à l'été 2011, quelque 80 députés réclamant leur retrait. Sans succès.
Si la France n'a pas connu de retrait de livres de classe depuis l'Occupation, les critiques sur leur contenu sont légion. Pour la première fois, la médiatrice de l'éducation nationale a été saisie, en 2011, de réclamations de parents concernant les programmes et les manuels – les deux étant souvent mêlés dans les esprits, ce qui ajoute à la confusion. "Le fait que la société civile, par l'intermédiaire des associations ou des élus, exerce sa vigilance sur des manuels s'est accentué depuis la fin de la seconde guerre mondiale", explique Laurence De Cock, fondatrice du collectif Aggiornamento histoire-géographie. Les manuels, conçus à partir des programmes, ont une totale liberté d'adaptation. Qui peut prétendre les caractériser idéologiquement ? On peut leur faire dire ce que l'on veut, conclut-elle. Ce qui compte, ce sont les usages qui en sont faits par enseignants et élèves. "
"VÉRITÉ HISTORIQUE"
Ces usages doivent-ils évoluer ? "Les universitaires de notre réseau veulent être des forces de proposition", répond Louis-Georges Tin, qui avance des "pistes" pour diversifier le corpus de ressources. Parmi les préconisations de son think tank figurent l'utilisation plus importante d'œuvres de femmes écrivains ou artistes, le recours plus fréquent aux textes tirés de la littérature francophone, une histoire coloniale "mieux intégrée", une réflexion sur l'homosexualité "non seulement en biologie, mais aussi en histoire et en français".
Côté éditeurs, on assure "se maintenir à bonne distance des objectifs militants". "En se rapprochant des chercheurs, on ouvre le champ des possibles, mais c'est à nous – et aux auteurs – de décider des contenus", insiste Sylvie Marcé, du SNE. Reste que l'initiative en inquiète quelques-uns. "Notre rôle est de nous rapprocher le plus possible de ce qui pourrait être la 'vérité historique', même si celle-ci ne convient pas à tout le monde, avertit un auteur. Ce n'est ni aux politiques ni aux groupes d'intérêts, qui confondent mémoire et histoire, de faire prévaloir leur vision de l'histoire."
Le travail d'introspection aura en tout cas permis aux éditeurs de se mettre en ordre de bataille pour l'évolution – attendue – des programmes. L'opacité avait marqué l'adoption des précédents textes, en 2005 au collège, en 2008 au primaire, et à partir de 2010 au lycée. Le ministère de l'éducation, dans le cadre de la "refondation" de l'école, a promis un changement de méthode. "Cela prendra du temps, prévient-on rue de Grenelle. Il faut que les personnels soient consultés, que le Conseil supérieur des programmes fasse ses propositions, que les éditeurs conçoivent les manuels." La ligne de mire : 2015.


Une liberté éditoriale quasiment jamais remise en cause

Quel coût ? 42,2 millions de livres scolaires ont été vendus en 2011. 18,8 millions au primaire, 20 millions dans les collèges et les lycées, 3,4 millions pour l'enseignement professionnel. Le chiffre d'affaires du secteur oscille entre 8 % et 12 % du chiffre d'affaires de l'édition. Il a atteint 317,8 millions d'euros en 2011.
Qui paie ? Au primaire, l'acquisition des manuels est la charge des communes. Au collège, c'est l'Etat qui finance. Dans les lycées, les régions ont mis en place des dispositifs de gratuité ou d'aide aux familles.
Quelle histoire ? Depuis 1880, la politique française du livre scolaire est restée constante. La seule remise en cause de la liberté éditoriale a été pendant l'Occupation. C'est là une spécificité française : plus d'un tiers des nations pratiquent l'édition d'Etat, un autre tiers l'autorisation préalable.
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