"Dessiner, c'est soulever la surface du visible"
Emmanuel Lepage, Un printemps à Tchernobyl, Futuropolis, 2016, p. 113
Une entrée thématique sur l'environnement et l'écologie dans la BD documentaire dans le sillage de Davodeau...
I - Quelques pages du Monde sur la BD : "la BD entre en politique : les bulles explorent le temps," écrit par Pierre Christin, scénariste et auteur de Valérian.
Plusieurs aspects me semblent intéressants dans cet article. D'abord, Pierre Christin s'intéresse non pas à la "BD-documentaire" en particulier mais à l'envers politique de la BD, ce qui est lié mais oblige à remonter à la période de 68 qui a vu naître Hara-kiri et Charlie Hebdo, après une periode de censure (loi de 1949 sur la bande dessinée destinée à la jeunesse). Que Charlie hebdo ait été la cible d'un attentat meurtrier montre assez l'actualité et l'importance des enjeux qui touchent le monde de la Bande dessinée.
Pierre Christin, en tant que scénariste de Valérian, "space opéra" adapté au cinéma par Luc Besson, l'été dernier, insiste sur la dimension politique qui a très tôt motivé certaines BD de sciences-fiction. Il cite des récits "post-apocalypses nucléaires" et affirme que Valérian mettait en scène déjà dans les années 60 des questions politique tels que la montée des multinationale, la globalisation, la lutte des femmes, et l'écologie.
La dimension politique précède donc et annonce les "Bd documentaires" qui nous occupent. Un printemps à Tchernobyl est justement une Bd documentaire écologique et "post-apocalypse nucléaire".
La grande différence est qu'il ne s'agit pas de science-fiction.
II - Quelques planches de Lesage : l'environnement et le paysage.
La BD de reportage c'est la rencontre de deux traditions : le journalisme et le dessin. Ces deux traditions traitent différemment par exemple le thème de la nature. L'un par le biais de l'environnement et de l'écologie ; l'autre par celui du paysage.
L'environnement, c'est le thème de la nature abordé d'un point de vue politique. Le paysage, c'est le même thème de la nature abordé d'un point de vue esthétique.
C'est deux points de vue esthétique et politique peuvent entrer en contradiction : un printemps à Tchernobyl est en quelque sorte l'histoire de ce déchirement.
a - Le nucléaire :"un printemps à Tchernobyl"
Il s'agit d'une "bande-dessinée documentaire" qui porte sur la catastrophe de Tchernobyl (29 avril 1986).
(Lepage utilise des extraits de La Suplication de Svetlana Alexievitch pour produire un effet "in médias res" planche 3 à 7)
Planche 8 - 17 : La catastrophe nucléaire est décrite dans les premières pages de l'album, ses conséquences et la couverture médiatique qui en a était faite. Il y a eu manipulation médiatique.
Lepage dans ces premières pages rapporte le contexte de son documentaire. Le documentaire lui évoque le voyage qu'il va faire sur le lieu du sinistre avec un autre dessinateur Gildas pour le compte d'une association humanitaire.
De nouveau, la bande dessinée documentaire s'inscrit dans le sillage d'une association humanitaire. Que doit-on en déduire ?
Planche 102 : la mise en scène du danger est problématique. " la zone version technologique de la roulette russe" La métaphore ne suffit pas. Le danger est invisible. Le dessinateur se demande de manière insiste comment rendre compte de la catastrophe technologique en dessinant et en montrant des beaux paysages.
Planche 108-109 : Le dessinateur se met en scène (thème spécifique à la BD documentaire) avec un masque et des "sur-chaussures". Ce dessin réfère à l'unique photo de l'album placée en fin de volume.
Planche 112-115-127-135 : "on ne voit pas la radioactivité" C'est le paradoxe que met en scène avec insistance Lepage dans les planches qui finissent le volume. Comment représenter l'horreur avec ce qui est beau ?
Il utilise plusieurs procédés :
- la mise en scène de la peur. Du sentiment intérieur qui déforme la perception du réel. d'où des décors fantômatiques où apparaissent des silhouettes fantomatiques et inquiétantes :
Planche 108 et 137 : (les arbres-crocodiles)?
Planche 135 : le landeau
Planche 159 : les effets de contrastes : paysages désolés-scène de la vie quotidienne (c'est sur ces dernières images que l'auteur clôt son album).
Planche 90 : revenons sur le thème des ruines. Lepage fait allusion au romantisme du XIX siècle qui trouvait dans la représentation des ruines une source d'inspiration esthétique.
Cf : les romans noirs (gothique) de Ann Radcliffe, les romans historique de Walter Scott, etc. En France, de Chateaubriand à Victor Hugo, on exploite aussi une imagerie médiévale décadente...
Cf. Hubert Robert est un des plus connus d'entre eux. Mais bien des peintres se sont illustrés par ce thème. La fascination pour les ruines est lié au sentiment de décadence face aux traces d'une civilisation oubliée (la civilisation antique), au sentiment de nostalgie face à l'impossible retour du temps, à la disparition et plus généralement à la mort.
Quelle est la différence avec Lepage ? Partage-t-il la même fascination ?
Sa réflexion ou son esthétique pourrait rejoindre les romantiques s'il n'était tiré vers des préoccupations et des représentations plus contemporaines, plus engagées : l'humanitaire et la nécessité de mettre son art au service d'une cause (et pour l'éditeur de toucher un public grâce à une bonne cause)
Un des points qui explique en partie la thématique humanitaire dans les BD documentaire, c'est que beaucoup sont écrit par des dessinateurs militants.
À commenter également :
- Planche 99 : Allusion explicite à Tintin
- Planche 77 : "Ne pas provoquer le rire".
L'album commence par une impossibilité pour le dessinateur de dessiner. "j'ai mal" Une douleur dont la cause est indéterminée l'empêche de dessiner : autre mise en scène de la pression et de l'enjeu attaché à la BD de documentaire.
Il commence donc par mettre en scène sa maladresse à dessiner. Il fait des caricatures, peu réaliste... Le réalisme et le fait d'être reconnaissable est donc une exigence et un trait de style.
La caricature est aussi le lieu de rencontre entre le journalisme et le dessin (on en a déjà parlé avec Honoré Daumier illustrateur de presse et caricaturiste).
Qu'est-ce qui différencie Lepage d'un caricaturiste de presse ?
Il semble que la BD documentaire cherche à rompre avec cette tradition de la caricature de presse, au nom du réalisme, de l'honnêteté et de la dignité de la figure humaine.
Autres albums à mettre en parallèle.
b - Le réchauffement climatique : La Lune est blanche
c - Préoccupation écologique : Saison Brune de Squarzoni
III - Emmanuel Lepage à la radio :
https://www.franceculture.fr/bd/tchernobyl-souvenirs-au-lavis
IV - Exercice : le portrait "ne pas faire rire" versus la tradition graphique et journalistique de la caricature...
La BD de reportage c'est la rencontre de deux traditions : le journalisme et le dessin. Ces deux traditions traitent différemment le thème de la représentation de l'homme. L'un par le biais du portrait, l'autre par celui de la caricature.
Le portrait : Lepage "ne pas faire rire"
V - Montage
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