"Là où d'autres avancent probablement sans difficulté et à la même vitesse que l'auteur, je trébuche presque à chaque pas sur des assertions qui me sembleraient exiger, pour pouvoir être tout à fait comprises et ensuite acceptées, des élucidations, des distinctions, des explications et des justifications qui sont généralement absentes. Mais c'est précisément l'avantage du philosophe-écrivain sur le philosophe-analyste que de réussir à donner l'impression que l'ont peut tout à fait s'en passer. "le médiologue nous dit Debray, est spontanément hypermétrope, il voit mieux loin que près". C'est peut-être vrai. mais je crois qu'en philosophie la myopie a aussi ses avantages et j'ai l'impression que, même sur un sujet qu'il connaît en principe mieux que le théorème de Gödel, il vaut mieux pour le médiologue que l'on ne cherche pas à regarder de trop près ce qu'il voit de loin".
Jacques BOUVERESSE, Prodiges et vertiges de l'analogie, Raisons d'agir, 1999, p. 16-17
M. Chim Him-sam
interviewé par David (何俊宏), Régine (劉書宓), Angélique (金 煜婕).
Dimanche 22 mai 2016, au Mémorial des Droits de l'homme de Jing-mei
I - Défense et illustration des Sciences-humaines :
J'emprunte le titre de ce cours à un documentaire de Pierre Carles consacré à Bourdieu : La Sociologie est un sport de combat (2000). Même si la sociologie de Bourdieu, s'est distingué comme une entreprise de lutte contre les élites sociales, on peut concevoir l'activité intellectuelle en générale comme un lieu de combat perpétuel dont les armes sont les idées. On les assène, on les contredit, on les réfute. Elles survivent, disparaissent, ressuscitent... Le monde des idées s'est construit suivant une succession de querelles. Pourquoi une telle férocité ?
Je
partirai d'un doute (ou d'une difficulté) rencontré par David au cours de ses
recherches.
Celui-ci
se demande, alors qu'il étudie Blanchot et Barthes (lesquels ont produit une
pensée sur des sujets très similaire : l'écriture en l'occurrence), de comparer
des auteurs qui, travaillent sur le même sujet mais avec des méthodes et des
concepts qui n'ont pas grand chose à voir entre eux. En les comparant, on tombe
sur des contradictions, ou sur des raisonnements si éloignés, les uns des
autres qu'il semble absurde de les comparer. Peut-on et doit-on dépasser
cette aporie (problème insoluble) ?
Oui et
non.
1°
réponse :
"Quand
on lit un auteur, il faut s'efforcer de comprendre son système, son mode de
pensée, la cohérence interne de ses idées. Et plus un penseur est bon et plus
la cohérence peut être forte.
Mais
il faut savoir que dans le domaine des sciences-humaines, les systèmes qu'on
crée sont toujours imparfaits. À l'inverse des sciences formelles, comme la
logique ou les mathématiques, nous travaillons avec des signes opaques qui
ne nous permettent pas de créer des systèmes aussi cohérents qu'ailleurs.
Autrement dit, la contradiction est partout. Aussi cohérent soit un auteur, il
créera nécessairement en même temps de l'incohérence et de la contradiction.
Par conséquent, s'efforcer de comprendre un auteur, c'est aussi avoir à son
égard une certaine forme d'indulgence parce qu'il travaille avec un matériau
(la langue) imparfait.
Cependant,
il ne faut pas renoncer à comparer les systèmes de pensée entre eux. Nul doute
qu'on trouvera des tonnes de contradictions d'un auteur à l'autre. Comparons
par exemple, Barthes et Foucault. Leurs méthodes sont complètement différentes.
Ils parviennent par des détours qui leur sont propres à une idée commune
d'asservissement aux normes sociales. Il y a moult contradictions. Ce qu'il
faut se demander, c'est si ces contradictions sont importantes, si elles
servent ou non notre propre raisonnement, ou bien si au contraire, elle sont négligeables
comme tant d'autres... tout dépend de ce que l'on veux dire.
2 °
réponse :
Comme
pour la sémiologie, la médiologie souffre d'une raréfaction des troupes. Ce
sont dans les deux cas des disciplines moribondes. Elles ont, toutes deux,
échoué dans leur entreprise de s'instituer en tant que science. A cela
plusieurs raisons (j'ai déjà critiqué l'ambition démesurée de la sémiologie au
premier semestre)
Les idées ont souvent une portée subversives. Elles
sont gênantes (cf. Bourdieu). Elles sont aussi des enjeux de pouvoirs (pré
carré). Elles ont surtout déçu une exigence de vérité qui étaient au coeur
de leur projet (idéal scientifique).
Or il n'y a pas de vérité en sciences humaines. Les
sciences humaines ne sont pas des sciences falsifiables (Popper). L'opacité,
l'approximation, la contradiction de nature caractérise une forte opposition
aux sciences exactes. Ça a des conséquences importantes sur la façon de
concevoir la recherche et également sur la posture de l'intellectuel.
L'affaire Sokal : deux scientifiques (Sokal et
Bricmont) attaquent violemment a les principaux représentants du courant
de la postmodernité (et par glissement d'une grande partie de l'intelligentsia
française (identifié à la French Theory) en montant un canular ( faux article
publiés dans une revue de science humaine de bonne réputation) qui a pour but
de discréditer, et de révéler l'imposture des "discours
littéraires". Bouveresse dans un ouvrage qui reprend les enjeux de la
querelle s'attarde sur la figure de Régis Debray qu'il accuse d'utiliser
abusivement, par scientisme, le théorème de Gödel.
On trouvera toujours des contradicteurs faute de
pouvoir démontrer de manière irréfutable ce qu'on avance. Cela n'empêche pas
l'exigence de précision et faute d'un progrès de la science au moins un progrès
de la connaissance. L'aventure intellectuelle promet d'être extraordinaire.
II - Questionnaire de fin de cours et évaluation :
1 ) Médiologie et sémiologie : quelles sont les différences et les points communs ?
2 ) Médiologie et urbanisme : pourquoi la médiologie s'intéresse-t-elle aux monuments et au patrimoine urbain ?
3 ) Médiologie, radio et cinéma : quels sont les rapports entre la radio, le cinéma et le nationalisme ?
4 ) Médiologie et spectacle : que disent les médiologues de la société du spectacle ?
5 ) Quelles rencontres et interviews vous ont le plus touché ? Pourquoi ?
L'Évaluation (si nécessaire) portera sur la réponse aux questions et la réalisation des portraits radiophoniques.
III - Portraits radiophoniques sur le site du BFT :
1 - Nous accueillons aujourd'hui Sarah Vandy et
Aurélie Kernaleguen qui ont accueilli au BFT deux d'entre vous en stage et
qui viennent nous parler de leur pratique professionnelle (en rapport avec le
traitement de l'information).
Quelles questions ? Quelles attentes ?
Quelles questions ? Quelles attentes ?
Elles ont diffusé les portraits radiophoniques
disponibles aux adresses ci-dessous.
2 - Profitons, pour faire le point sur les portraits radiophonique : à finaliser pour le jeudi 2 juin (même s'il n'y aura pas cours, je passerai de 9 à 11 h)
· Samba :
· Sophie Hong :
· Arnaud Lechat :
-En français : http://www.france-taipei.org/ Grand-entretien-Arnaud-Lechat- a-la-decouverte-de-la-musique- traditionnelle
Et voici le dernier sur Chen Yi-wen :
-En français : http://www.france-taipei.org/ Grand-entretien-Chen-Yi-wen- adapte-la-piece-Le-Dernier- Jour-d-un-condamne-a
Pour les publication sur FB, il n’y a pas de lien en particulier, il suffit d’aller sur la page FB du BFT pour les retrouver dans le fil d’actualité : https://www.facebook.com/ franceataiwan
Les articles sont classés dans la rubrique « Dossiers et grands entretiens » accessible sur la page d’accueil du BFT. Certains apparaissent également actuellement à la Une déroulante (Sophie Hong) ou dans ‘Actualité’ (Arnaud et Samba).
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