"On peut faire du spectacle de tout, à commencer par la plus terrible réalité. Qu'il y a un spectacle de l'exploit, sportif ou acrobatique (au cirque les trapézistes et les jongleurs ne font pas semblant : pas davantage sur scène les danseurs, qui ne se confondent pas aux acteurs : ni les footballeurs)"
Daniel Bougnoux, "Bis ou l'action spectrale", Cahiers de médiologie, n°1
I - Festivités prochaines :
Samedi 9 : rencontre avec Valentin Le Chat : notre quatrième du semestre (s'il ne pleut pas)
Tanguy Lepesant : (5°) sur l'enjeu politique des manuels (cf. Debray et les manuels)
Mélanie Ferrant : (6°) histoire de RTI (cf. Catherine Bertho Lavenir Histoire des médias)
M. Guo : (7°) ?
Mathieu Kolatte (8°) : cinéma taïwanais (Jean-Michel Frolon la Projection nationale...)
Le 26 mai : Sara Vandy et Aurélie Kernaleguen interviennent dans notre cours : 9h-10h30. 30 min chacune + 1/4 heure de question.
II - Textes et commentaires :
Nous avons vu la semaine dernière que le jonglage et plus généralement les arts du cirque ne sont pas des spectacles comme les autres. À l'inverse des comédiens, les jongleurs, acrobates et autres gens du cirque, ne "font pas semblant". La représentation inclut des performances réelles.
1 - l'art du jonglage est un art de la performance comme en témoigne ce texte sur le "jongleur virtuose" Rastelli. On devine à travers lui l'industrie du spectacle et le mécanisme de la "starisation", du vedettariat plutôt (On parlait de "vedette du spectacle").
"Le plus fort jongleur du monde," Jérôme MEDRANO, Une vie de cirque, Artaud, 1983 cité in Pascal Jacob. Le Cirque. Un art à la croisée des chemins. Découvertes. Paris. Gallimard. 1992, p. 134-137.
2 - Histoire rapide du jonglage ou de la jonglerie. Pour vous montrer la diversité des pratiques, l'évolution du statut social (de la marginalité à l'institutionnalisation du métier de jongleur), le vocabulaire spécifique, les techniques et les écoles, la concurrence de la scène avec les autres médias.
http://gentlemanjongleur.com/exposition/pdf/histoire.pdf
http://didier.arlabosse.free.fr/balles/jonglage.html
3 - Cinq articles du Monde (écrits par Rosita Boisseau + 1 autre de Philippe Delerme sur la jonglerie au football) vous montre l'inscription de la pratique dans notre monde contemporain.
4 - L'article de Qint magazine donne déjà une idée du parcours du jongleur. Parcours et culture de la marge, de l'aventure, de la route autant que de la rue (rejoint l'esprit des saltimbanques médiévales ? ) :
http://quintmagazine.com/valentin-lechat/
5 - Une video de Mickael Moschen, autre "mentor" que m'a confié V. L. : https://youtu.be/C-3PbvqfInE
Analyses :
Traditionnellement les arts du cirque n’appartiennent pas à
la vidéosphère mais plutôt à la mnémosphère (4000 ans d’existence :
antiquité). Les métiers du cirque ont souffert de la naissance de la radio, du
cinéma et surtout de la télévision. Après les années 50, beaucoup de famille de circassien
disparaissent. Le cirque a dû s’adapter pour survivre. D’où l’essor du cirque
moderne.
Il existe des lignées de jongleurs. Cela suppose un
savoir-faire avec une transmission familiale. Ou selon le rapport traditionnel
maître et disciples.
Traditionnellement, le vie des circassiens est associée à la
vie foraine et à un mode de vie nomade (forains assimilés aux gens du voyage) :
est-ce que ce mode de vie est-il toujours suivi ? Le fait d’être venu à
Taiwan après un long voyage, n’est-il pas une tentative pour renouer avec
l’esprit originelle du saltimbanque ? Quels sacrifices cette passion
a-t-elle entraîné ?
La vie des jongleurs a été très tôt condamné à la
marginalité (condamnation par le droit roman, condamnation morale par l’église)
: n’y a-t-il pas un esprit saltimbanque qui vient de cette marginalité ?
N’y a-t-il pas une culture de la marge ?
Or cette marge là qui est en partie inhérente aux métiers du
spectacle de cirque a été provisoirement institutionnalisée (reconnaissance
sociale, professionnalisation, sédentarisation, création d’institution :
convention de jonglerie, école de cirque, IJA, académie comme l’académie
Fratellini, mais aussi new age, street art : valorisation non
professionnelle de la pratique du jonglage…). N’y a-t-il pas un paradoxe ?
L’institutionnalisation n’est-elle pas contraire à l’esprit du
saltimbanque ? N’est-ce pas cette forme d’institutionnalisation qui a gêné
Valentin Lechat et l’a poussé à rompre avec les écoles de cirque, puis plus
tard avec son mentor Jérôme Thomas.
Coupure sémiotique
(pas de rampe) : comment marquer quand on est dans la rue la
séparation avec le public ? Quelle est la part de fiction ? Quelle
est la part de performance ?
Terminologie :
jonglerie ou jonglage ? Jongleur, manipulateur d’objet ou street
performer ?
Valentin
Lechat insiste sur le statut de 義術假. N’est-ce pas parce que le statut
artistique qu’a conquis le théâtre contemporain n’est pas acquis à Taiwan ?
Le jongleur de rue, ou le street performer,
est victime des idées reçues. Le public se détourne du spectacle en se disant
« je connais ». Les « saltimbanques » ont encore une
connotation péjorative.
Valentin Lechat distingue 3 types de cirque. Le cirque
traditionnel. Le cirque moderne (divertissement, grand spectacle du Cirque du
soleil), le cirque contemporain (artistique).
Dans les 3 cas la proportion de performance (la jonglerie =
message, propos) la proportion de représentation (la jonglerie = medium).
La jonglerie medium est créative, elle appartient
plutôt aux arts de la représentation. La jonglerie message favorise une
logique du vedettariat (starisation) fondé sur la performance.
Le cirque repose sur le principe du numéro (le français a
gardé l’expression « faire son numéro » pour dire « jouer la
comédie exagérément pour obtenir quelque chose » ). Or il n’est pas facile
de faire un numéro. Avec l’institutionnalisation et l’internationalisation des
pratiques, il est même de plus en plus
difficile de trouver un bon numéro. Dans l’interview accordé à Quint Magazine, Valentin Lechat évoque
le poids de la culture qui l’a insité à rompre avec le système. Le voyage à
Taiwan, lui a-t-il permis de gagner en originalité ?
Valentin Lechat pratique plusieurs techniques (jonglerie lancée,
contact, équilibre, antipodiste), quelle technique préfère-t-il ? Un texte
de Jérôme Medrano rapporte que Rastellini a rencontré le Racing Club de Paris
et leur avait fait une démonstration de jongle (dribbling). N’est-ce pas dans
le jongle qu’on trouve sur les terrains de foot que survit la part populaire du
jonglage ?
III - Questionnaire pour Valentin Le Chat :
- Relation avec Jérôme Thomas. Histoire de maîtres et de disciples. Transmission.
Question : ....................................................................................................
- Pour Valentin Le Chat, le mot medium a un sens bien particulier. Il aime "changer de médium", "s'approprier un médium", etc.
Question : ....................................................................................................
- Terminologie : jonglage ou jonglerie... faire la manche ou spectacle de rue... artiste de rue... circassien... manipulateur...
Question : ....................................................................................................
Question : ....................................................................................................
Question : ....................................................................................................
Question : ....................................................................................................
Question : ....................................................................................................
- Delerm "Cette envie de jongler, c’était déjà du football. Rien à voir avec les spectaculaires démonstrations publiques qui tiennent davantage du cirque – on en voit de temps en temps devant le Sacré-Cœur, au milieu des touristes, et les virtuoses du ballon rond y font la manche après des productions étourdissantes, coinçant la balle sur leur nuque puis reprenant un rythme frénétique".
Question : ....................................................................................................
Question : ....................................................................................................
IV - Écoutons la radio :
http://www.franceculture.fr/emissions/la-fabrique-de-lhistoire/histoire-du-cirque-14
V - Les textes :
"Jongleur
pas confondre", un dialogue sensuel
LE MONDE | 18.12.2005 à 10h22 |
Par Rosita Boisseau
Ça
tombe et ça ramasse, ça tombe encore et ça ramasse encore. Et ainsi de suite, à
perpétuité. Tel est, dans le jargon du cirque, le sort féroce du jongleur et de
sa balle, liés par un contrat irréductible entre chute fatale et cueillette
sempiternelle. Lors du spectacle Jongleur pas confondre, mené
intensément par Jean-Michel Guy, expert-conférencier et observateur du jongleur
Philippe Ménard, on mesure combien le corps et la balle collent l'un à l'autre
pour rester
ensemble.
Dialogue
serré, sans pitié. Sensuel aussi, tant ces deux inséparables semblent traversés
par le même fluide énergétique. Le jongleur n'a qu'une folle obsession : ne pas
faire
"tomber l'objet". Un désir secret : contrer
la pesanteur, autrement dit, nier
ce qui fait la condition de l'homme sur terre.
Bref,
notre homme, condamné d'avance à l'échec, ne lance et relance les massues que
pour mesurer
à chaque seconde l'absurdité de son action et sa vanité. Art existentiel que la
jongle, apparue il y a quelques milliers d'années en Egypte, en Grèce... avant de devenir
au fil du temps une technique à part entière dont la complexité toujours plus
grande crée l'émerveillement. La modestie de Philippe Ménard, longue tige
souple complètement phagocytée par sa passion au point qu'il jongle pendant une
heure sans que cela paraisse un exploit, se révèle fascinante. Il brode une
partition à quatre, six balles, tout en entrelacs, rebonds, rythmes variés et
décalés, montant et descendant le long de son axe comme s'il s'enroulait autour
des objets à la façon d'une guirlande.
Sur
une scène transformée en coffre à jouets, bousculée par des images vidéo
turbulentes, tant historiques que techniques, une vision de cet art se dessine
peu à peu, amoureuse, compulsive, vitale. Entre la nécessité d'un geste utile
et le désir de beauté abstraite, selon la définition de Philippe Ménard, rien
de plus conflictuel que le jonglage. Ah ! saviez-vous que le jongleur ne laisse jamais un
objet traîner
par terre ? La chute pour lui n'est jamais bien loin de l'abandon et de la
mort.
Jongleur
pas confondre, de Jean-Michel Guy et Philippe Ménard. Théâtre de la Cité
internationale, 21, bd Jourdan, Paris-14e. RER B
Cité-Universitaire. Jusqu'au 19 décembre. Tél. : 01-43-13-50-50. De 12,50 € à
21 €.
Rosita
Boisseau
Alessandro
Sciarroni ou le geste auguste du jongleur de massues
Le
Monde.fr | 21.11.2014 à 08h29 • Mis à jour le 01.06.2015 à 17h00 |
Par Rosita Boisseau
Mat, sec,
velouté, silencieux, de quoi s’agit-il ? Du son d’une massue tombant dans
la main d’un jongleur. Cette gamme incroyable, sans cesse surprenante au regard
du lancer de l’objet et de sa chute programmée, est l’une des plus épatantes
surprises du spectacle UNTITLED_I will be there when you die,
chorégraphié par Alessandro Sciarroni pour quatre jongleurs. Dans le silence,
tenter de percer le secret de la réception de la massue dans chaque paume, se
révèle curieusement émouvant. Autant d’histoires de peau, de maîtrise, de
délicatesse, relayées dans l’espace en harmonie.
UNTITLED_I
will be there when you die fait
le pari de la découverte de cette discipline par un néophyte, ce qui était le
cas d’Alessandro Sciarroni. Le spectacle ressemble à un training, passant de
l’utilisation d’une seule massue à quatre voire cinq, au gré de l’échauffement
des corps et de la graduation des difficultés. Au final, cinquante minutes de
jonglage pur et dur défilent. La mise en route croise le ballet jonglé pour
culminer dans une surenchère physique et technique.
Présenté au
Centre national de la danse, à Pantin, le 13 novembre, à l’enseigne du Festival
d’automne, à Paris, ce spectacle sobre, pudique jusque dans sa
virtuosité, trouve sa force dans la multiplication par quatre de toutes les
séquences. Lancées le plus souvent à grande hauteur, les massues planent dans
les airs au gré d’un jeu de contrepoints rythmiques, le déphasage d’un même
trajet dessinant des courbes et des rosaces qui semblent jaillir d’elles-mêmes.
on
www.youtube.com</a>, or enable JavaScript if it is disabled in your
browser.</div></div>
Ténacité
La chute de la
massue, cauchemar du jongleur, thème presque banal dans nombre de spectacles de
cirque depuis une dizaine d’années, n’est heureusement que très peu valorisé
dans le spectacle de Sciarroni. Sa découverte récente du jonglage, qu’il
n’aimait pas avant de s’y confronter, le faisait fantasmer sur cet échec
souvent mal vécu. Plus que la défaillance, il a finalement choisi de distinguer
la ténacité avec sa doublure fragile.
UNTITLED_I
will be there when you die (2013) est
le deuxième volet d’une trilogie entamée avec FOLK-S_will you still love me
tomorrow (2012), mise en boucle de la danse traditionnelle bavaroise, le
Schuhplattler. Au moins deux points communs à ces pièces : la notion
d’apprentissage d’une technique a priori éloignée de la formation théâtrale
initiale de Sciarroni qui a créé sa compagnie en 2007 ; la tentation
du marathon façon On achève bien les chevaux (de Sydney Pollack, 1970)
qui transforme ces spectacles en sas d’entraînement sans issue. Aurora,
la troisième partie prévue en 2015, s’attachera à un geste sportif, celui
du goalball pratiqué par des aveugles. Objectif déclaré de Sciarroni :
faire une recherche autour de l’idée de ready-made. Le résultat déborde
largement le concept, ouf !
UNTITLED_ I
will be there when you die, d’Alessandro Sciarroni. Festival
d’automne, Le Monfort,
106, rue Brancion, Paris 15e. Jusqu’au 22 novembre. 21 heures. Puis, du 26
au 30, Centquatre,
5, rue Curial, Paris 19e. Tél. : 01-53-45-17-17. De 12 à 25 euros.
Jongleur zen et lascars en goguette
à Paris Quartier d’été
LE MONDE | 25.07.2015 à 10h59 •
Mis à jour le 28.07.2015 à 11h25 |
Par Rosita Boisseau
Rire
dès la première seconde d’un spectacle de danse contemporaine n’arrive pas tous
les jours. Se bidonner ensuite dans un état d’euphorie douce ne ressemble à
rien de connu. On en profite à fond, on aimerait que cela dure éternellement.
Et cela dure presque une heure, ce qui est déjà une prouesse. Le nom de
l’aphrodisiaque : A Coming Community. Celui des super-chimistes : Pieter
Ampe, Guilherme Garrido, Nino Lucas et Hermann Heisig. Bref, une drôle de
communauté flamande, portugaise, allemande, dont l’anglo-français approximatif
est d’emblée un moteur de rigolade.
A
l’affiche de Paris Quartier d’été, cette escadrille de lascars en goguette
frappe un mélange de danse, clown, western, rock, dilué dans beaucoup de sueur
et avec quelques touffes pour pimenter le tout. Régressif, d’accord (mais
franc), ras le slip, parfois (mais potache), épatant, toujours. Avec de
l’invention, du délire et une envie de faire péter les joints du spectacle
propre sur lui sans pour autant se prendre au sérieux.
A
l’opposé, la bande partage la soirée avec le jongleur, trampoliniste et metteur
en scène Yoann Bourgeois. Sa pièce Leaving Room, pour deux acrobates et
une harpiste, joue en mode zen sur le fil d’une collection de numéros.
Burlesque déconnant à droite, suspension sous hypnose à gauche, une balançoire
qui secoue mais laisse ravi.
Retour
d’abord sur A Coming Community. Le spectacle, furieusement allumé, ne
fait pas dans les affaires courantes de la danse contemporaine. D’abord, les
quatre potes ne ressemblent pas à des danseurs. Jeans serrés et déchirés,
baskets aux semelles décollées, barbe de bûcheron serrée dans un élastique,
leur plumage, qui est le même à la scène et à la ville, sent bon la vie à
l’arrache. Très référencés en revanche – ils sont passés par le gratin des
écoles d’art et de danse européennes –, ils possèdent tous les codes pour mieux
les pirater et s’en moquer gentiment. Et ça déborde, ça part en vrille, ça
crache, ça vocalise, ça s’arrache le micro, ça se désape évidemment au gré
d’une imagination qui ne craint rien, surtout pas le pire (c’est bien
meilleur).
Agités
du bulbe et du prépuce
On
connaissait déjà Pieter Ampe et Guilherme Garrido. Leur duo Still Standing
you (2010), orgie verbale et physique hilarante, les avait consacrés agités
du bulbe et du prépuce (mais pas que). Leur façon d’avoir l’air de fabriquer le
spectacle en laissant les événements naître les uns des autres pour mieux se
déchaîner se retrouve dans cette excroissance communautaire. Le goût comique de
l’exploit débile mais magnifique prend ici un ton forcené. Se glisser et
s’enfermer dans un énorme ballon que l’on gonfle et dégonfle à volonté est une
sacrée entreprise. Mais voilà que surgissent sur le plateau des créatures
invraisemblables : ballon unijambiste ou garni d’une tête d’homme, les
surprises ne manquent pas de souffle. Les challenges idiots au sens noble ne
sont jamais tout à fait vains dans A Coming Community.
Avec
Yoann Bourgeois, la bande des quatre possède un thème commun : l’effondrement.
Très rock chez les uns, il prend chez l’acrobate un ton philosophique et
existentiel, qui est la marque de cet artiste. Dans Leaving Room, celui
qui travaille longtemps sur des pièces courtes avant de construire un spectacle
combine différents numéros au gré d’un maillage dramaturgique souple. On
retrouve une bascule en métal déjà vue dans Minuit (2014), une table et
des chaises qui explosent, la volée de marches et le trampoline de L’Art de
la fugue (2011). Ces séquences sont reliées par un fil de douceur nommé
Yoann Bourgeois. Elles trouvent un élan global dans la façon dont elles
s’inscrivent dans l’immense nef vide du Carreau du Temple, à Paris. Chaque
objet, chaque scène, se répond dans un jeu d’échos architecturaux au sein
desquels Yoann Bourgeois et sa complice Marie Fonte se glissent comme par
magie.
Paris
Quartier d’été. A coming community, jusqu’au 26 juillet,
20 heures.Leaving Room,de Yoann Bourgeois, jusqu’au
25 juillet, 22 heures. Carreau du Temple, Paris 3e. Tél. :
01- 44- 94- 98- 02. De 12 € à 32 €. Et aussi Cavale
de Yoann Bourgeois, 26 et 27 juillet, 21 heures, parvis du
Sacré-Cœur, Paris 18e. Gratuit.
Loin de la piste, les rebonds de
l'art du jonglage
LE MONDE |
02.03.2002 à 00h00 |
Par
ROSITA
BOISSEAU
DEPUIS
l'été 2001 et jusqu'à l'été prochain, l'Année des arts du cirque, organisée par
le ministère de la culture, salue le dynamisme sans précédent des arts de la
piste. Evénement national, l'opération « 1, 2, 3... cirque ! » permettra au
plus grand nombre de se familiariser avec un art vieux de quatre mille ans, le
jonglage, qui connaît actuellement une révolution esthétique. Des spectacles
entièrement jonglés voient le jour, imposant la discipline comme un art à part
entière.
Rester
assis à une table sans rien faire : c'est un exploit pour le jongleur Jérôme
Thomas dont le corps semble parcouru d'un fluide électrique, comme en attente
d'un objet qui apaiserait son excitation. Ce jour-là, il envoie valser sa
bouteille d'eau avant de faire tournoyer le pompon de son bonnet en dodelinant
de la tête tel un derviche. « Quand je jongle, l'objet est un prolongement de
mon corps avec lequel il crée de multiples connexions, explique-t-il. Cela fait
vingt-cinq ans que j'étudie ce rapport du corps et de la balle. C'est un
travail ingrat, comparable à celui du violon. Malgré tout, l'objet est toujours
véritablement étranger. On l'apprivoise, on ne le dompte jamais. Il finit
toujours par l'emporter. » Pilier du renouveau du jonglage en France, Jérôme
Thomas a imposé en l'espace de dix ans l'idée d'un art autonome et totalement
affranchi de la piste. Pour preuve, les spectacles d'une heure, voire de deux,
de plus en plus nombreux aujourd'hui, dont l'écriture s'articule uniquement sur
le jonglage.
Cet
exploit permet à Jérôme Thomas et à ses amis (la notion de compagnonnage est
très forte dans ce milieu qui regroupe environ 150 artistes en France) de poser
leur art sur le même pied que le théâtre ou la danse. « La recherche de Jérôme
Thomas sur l'espace, le mouvement et le regard a marqué un virage radical au
point que le jonglage français égale aujourd'hui le russe et l'américain,
indique l'historien et expert Karl-Heinz Ziethen. Non seulement le niveau
technique augmente, mais chaque jongleur invente un style personnel. Toute la
nouvelle génération européenne a l'oeil sur la France. »
Loin
des diktats de la tradition que sont la virtuosité et la prouesse (résumées à
un nombre exponentiel d'objets), le nouveau jonglage met le corps en première
ligne. « Quand j'ai commencé chez Fratellini à rompre avec les routines
imposées - l'entraînement avec les massues, les parapluies... - pour me
spécialiser dans les balles, on me prenait pour un fou, se souvient Jérôme
Thomas. Du coup, j'ai persévéré et développé le concept de jonglage cubique. Il
n'est plus question de plan, mais d'espace où le corps s'investit dans le
mouvement, devant, derrière, en haut, en bas. Alors qu'il n'était autrefois
qu'un papier cadeau, je l'ai remis au centre de la pratique en redonnant du
sens à l'interprète. »
Dans
cette perspective, le jongleur ne se contente plus de raffi-ner une partition
de balles plus ou moins captivante (certains utilisent l'ordinateur pour
concevoir des passes inédites), il écrit un dialogue gestuel entre le corps et
les objets dont la complexité s'apparente à la composition chorégraphique. Les
jongleurs, dont la méthode de travail est basée sur l'improvisation, ont trouvé
des collaborateurs passionnés en la personne des chorégraphes Hervé Diasnas ou
Dominique Petit. « Le challenge artistique vient du tiraillement entre le désir
d'une forme abstraite et la nécessité d'un geste utile, souligne Philippe
Ménard. Il s'agit d'étirer le temps pour donner de l'ampleur au corps, sans
perdre de vue l'objet en train de défier la gravité. Je veille à mettre
toujours plus de distance entre le jongleur et la balle pour qu'on voit mieux
l'espace, mais aussi l'homme, ses doutes, son obstination, son désir de
séduire. »
Des
balles qui autrefois fixaient le regard du spectateur, l'attention se déplace
vers la personne même du jongleur ou... de la jongleuse. « J'en avais assez
d'être derrière mon mur de balles, se souvient Jeanne Mordoj. J'ai eu envie d'affirmer
ma féminité dans un monde masculin en créant un solo intitulé 3 P'tits Sous,
composé de portraits de femmes. Je tente d'intégrer la prouesse dans un acte
quotidien en mettant le jonglage au service d'un sens théâtral global. » Torse
nu, Jeanne Mordoj jongle avec des seins en résine qu'elle décroche de sa
poitrine, ou du jaune d'oeuf, qu'elle rattrape avec ses pieds en parfaite
cuisinière de la jongle... la question du raté
Plus
lunaire, Bérénice Levy, repérée sur la piste du cirque Romanès, s'est taillé un
personnage de fille godiche qui jongle avec cinq balles, mais aussi cinq
massues, une technique plutôt réservée aux hommes, tant elle rabote les seins
et exige d'avoir de vrais battoirs en guise de mains. « C'est l'histoire d'une
jongleuse classique qui soudain pète les plombs et se met à gambader comme un
cabri tout en jouant des massues, résume-t-elle, espiègle. La technique étant
acquise, je cherche à développer une réflexion sur l'humain à travers une
recherche sur mon rythme personnel. »
Au
coeur de cette réflexion sur le métier, la question du raté, de la chute de la
balle, attendue, désirée quelquefois par le spectateur, prend une ampleur
nouvelle. De nombreux jongleurs veulent se dégager de cette tension de l'échec.
« L'expérience de la chute est la base de ma réflexion sur le jonglage, elle
imprime toute ma vie, explique le clown-jongleur Nikolaus. Il s'agit de
l'accepter, d'essayer d'être en harmonie avec cette chose scandaleuse, sorte de
métaphore de la vie. »
Ce
drame quotidien, le Finlandais Jani Nuutinen le désamorce en se présentant sur
la piste dans ses habits du jour et toute sa fragilité. « J'ai envie de
rencontrer les spectateurs comme des amis. Pour les emmener loin de leurs
repères, j'invente des objets bizarres que je rafistole. Du coup, ils peuvent
recevoir une histoire plus intime que celle qu'ils attendent du jonglage. »
Ainsi,
les jongleurs du Moyen Age chantaient et faisaient de la musique dans un
rapport de proximité avec le public. Un dialogue ouvert que Vincent de Lavenère,
jongleur avec chistera, fabricant de luth et interprète de chants médiévaux, a
intuitivement retrouvé dans son spectacle Le Chant des balles. Non content de
jongler en percutant des cloches à vache, il lance des sphères en osier lestées
de grelots à partir desquels il compose des partitions musicales. Combinant
artisanat et recherche, invention et tradition, ce jongleur-troubadour fabrique
parfois des balles dont il est le seul à percevoir la musique.
La jonglerie de Jérôme Thomas transforme les balles en planètes
LE MONDE | 14.08.2014 à 09h54 • Mis à jour le 14.08.2014 à 11h56 |
Par Rosita Boisseau
Il balade son Cirque Lili comme on trimbale sa tente. Il l'installe vite fait bien fait, là où il en a envie pour accueillir le public comme à la maison. Des bancs en bois, des lampions, un accordéoniste pour faire tanguer les mâts du chapiteau auquel il s'accroche comme un gecko à son plafond, et voilà le Cirque Lili prêt à appareiller.
L'animal secret et propriétaire de cette toile modeste mais fameuse est le jongleur et metteur en scène Jérôme Thomas, figure incontestée du jonglage et de la manipulation d'objets depuis les années 1980, actuellement en tournée avec son spectacle FoResT. Présenté en juin à l'Académie Fratellini, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), il est l'invité d'honneur de La Route du Sirque, à Nexon, où il est programmé du 15 au 20 août par un des disciples de Jérôme Thomas, Martin Palisse, directeur de la manifestation depuis un an.
FoResT sent bon les copeaux de bois répandus sur la piste dans lesquels les pieds nus du jongleur se frottent pour mieux se déséquilibrer. Et il porte en creux le parfum d'une mise au point – avec balles, plumes de paon et cannes, accessoires fétiches de Jérôme Thomas – mais aussi d'une transmission avec une jeune partenaire, Aurélie Varrin, danseuse et comédienne, collaboratrice depuis 2008.
AUTOPORTRAIT BICÉPHALE, MASCULIN-FÉMININ
Sa présence concentrée, parfaitement en osmose avec Jérôme Thomas, permet des pas de deux malicieux, un jeu parallèle tellement à l'écoute que FoResT, entre l'automne et le printemps, devient un autoportrait bicéphale, masculin-féminin, ramassé dans une virtuosité impeccable et paradoxalement rêveuse.
Ce duo atteint un sommet avec le numéro de cannes que Jérôme Thomas a transmis à Aurélie Varrin. Tournoyant au-dessus de leurs corps allongés, elles deviennent le relais de l'énergie qui circule entre les deux jongleurs branchés sur la même prise. Elles sont comme une antenne vibrante qui reçoit et émet les ondes qui font avancer le spectacle au bon rythme. Posées sur des endroits ultra-précis du corps, en particulier la plante des pieds, ces cannes révèlent des zones délicates et deviennent des prolongements articulaires des manipulateurs qui se construisent ainsi une nouvelle anatomie.
BAL EFFRÉNÉ
Parfois, on dirait presque que ce sont elles qui agissent sur les jongleurs transformés en marionnettes. L'attrait magnétique de cette séquence, comme de celles des plumes ou des baguettes chinoises, réside aussi dans le dialogue savant entre le jongleur et ses objets que Jérôme Thomas sait distinguer avec l'évidence d'une longue, très longue fréquentation. Lorsqu'il sort le sac en plastique vert de sa bouche pour ensuite valser avec lui, Jérôme Thomas ne dit que ça : il fait corps avec ses objets. Et lorsque, assis sur un tabouret, il prend ses balles blanches, il ouvre le cercle de sa pensée et de son corps à ce collier vivant de planètes rebondissant devant lui. A toute vitesse ou très lentement, la balle mène le bal effréné du mental de Jérôme Thomas.
L'atmosphère, parfois un peu trop poétiquement appuyée de FoResT, swingue sur l'accordéon de Jean-François Baëz, qui pousse toujours Jérôme Thomas à s'amuser aussi. Un grand coup de balai dans les copeaux pour dégager la piste, une petite danse narquoise avec Aurélie Varrin pour relaxer les jambes, et c'est reparti pour FoResT, qui ne confond pas sérieux et gravité.
FoResT, de Jérôme Thomas. La Route du Sirque, Cirque Lili, parc du Château, Nexon (Haute-Vienne). Du 15 au 20 août. A partir de 5 ans. Tél. : 05-55-00-98-36. De 8 à 20 euros. www.cirquenexon.com
L’art du jonglage, par Philippe Delerm
LE MONDE SPORT ET FORME | 05.03.2015 à 15h45 • Mis à jour le
31.03.2015 à 09h12
La
semaine dernière, je jouais à faire des passes avec mon petit-fils, 7 ans. Il
commence à pratiquer le foot, en équipe, le samedi après-midi. Avec, il faut en
convenir, un soupçon de chance, j’effectuais une série de jongleries coup de
pied, cuisse, intérieur du pied, poitrine, qui suscita de sa part une
admiration délicieuse pour mon ego. Il voulut que je lui apprenne. Pas facile.
Faut-il déjà préparer le pied pour la réception du ballon, ou attendre que ce dernier
soit déjà en mouvement pour amorcer le moindre geste ? La deuxième solution
parut finalement la plus adaptée, et il réussit bientôt deux puis trois
contacts.
Petite
madeleine. Mes parents étaient instituteurs à Louveciennes (Yvelines), et nous
habitions l’école. Je me revis au même âge, dans la solitude de la cour, le
soir, tentant d’apprivoiser mon premier ballon de foot. Cette envie de jongler,
c’était déjà du football. Rien à voir avec les spectaculaires démonstrations
publiques qui tiennent davantage du cirque – on en voit de temps en temps
devant le Sacré-Cœur, au milieu des touristes, et les virtuoses du ballon rond
y font la manche après des productions étourdissantes, coinçant la balle sur
leur nuque puis reprenant un rythme frénétique.
Sacralisation
et cartes à jouer
Non,
dans mon cas comme dans celui de mon petit-fils, tenter de jongler à 7 ans,
c’est déjà rêver de tenir sa place dans une équipe, et sacraliser le football.
A la même époque, j’étais fasciné par des cartes à jouer qui s’échangeaient à
la récréation de 15 heures. Elles étaient illustrées par des photos de
joueurs, Kopa, Fontaine, Piantoni, Gento, Di Stefano, et des photos d’équipe,
le Real Madrid, le Stade de Reims… On les gagnait en achetant des chewing-gums,
et c’était une denrée plus recherchée encore que les Mistral Gagnant. Depuis
un mois, mon petit-fils s’est lancé dans la collection des figurines Panini, et
son grand-père participe à la débauche.
Vers
14 ans, la première fois que j’eus le droit d’aller seul au Parc des Princes,
pour voir un « grand » match – un derby Racing de Paris-Stade
français –, je découvris un maître en jonglage : à l’échauffement, sur un coin
de pelouse, le Suisse Petit maîtrisait à la perfection une balle de tennis !
Dans ce sens zidanesque
Mais
entre Petit et aujourd’hui, quelqu’un a changé la donne, et laissé une marque
que je crois indélébile dans cet exercice. Bien sûr, je veux parler de Zinédine
Zidane. Depuis Zizou, on ne jongle plus sur les plages comme on le faisait
avant lui. Il faut certes une sacrée technique pour reproduire proprement ses
tours de passe-passe. Mais au-delà de la réussite absolue, on voit que les
efforts de tous vont dans ce sens zidanesque, dans ces effleurements de la
balle avec la plante du pied, dans ces déroulements caressants. Cela ressemble
à du brésilien de la grande époque, mais c’est autre chose. Une langue
nouvelle.
C’est
quelque chose de laisser une trace non seulement dans les mémoires, mais aussi
dans les gestes. Comme joueur, je préférais Platini. Mais on ne peut guère
reproduire sur une plage un changement d’aile ou un coup franc. Par contre, le
tutoiement de Zidane avec le ballon est un modèle enviable, apparemment
reproductible. C’est peut-être une façon d’être aussi, un type de désinvolture
élégant et solitaire. Du très grand art à portée de rêve. Une signature. Un Z
qui veut dire…
http://quintmagazine.com/valentin-lechat/
26.OCTOBER.2015
TAIPEI
I started juggling at 11 years old so it is part
of my life. I will never really quit it; I could do something else for a while
maybe and I will still always go back to it. Juggling brings the life in me. To
me, if I feel bad I would want to do some juggling. Even if someone drugged me
without my consent, if I do some juggling, I’d know where I am and I’ll be
fine. And that really happened to me in Thailand. They probably thought I
should be dead, but yeah, I juggled 7 balls.
Valentin
Lechat is known mostly around Taipei for his engaging and amusing
‘juggling’ performances. But for discerning audiences, there is much more to be
taken away from each of his displays of substance, which he puts forth through
theatricality and the circus arts.
I for one heard of him through his impressive
participation at the Red Room Anniversary, which undoubtedly ended up as one of
the day’s highlights. With interests peaked, I was eager to meet up and find
out more about this deft virtuoso of movements, and not only did I get my
tête-à-tête with the man, I got to see him and his little mini-me do a private
show just for quint. Of course, there was a lot of dancing and cheering on my
part!
How did you end up in Taiwan?
I left France in 2005. I wanted to quit
everything I was doing because I did the circus so early. I was 20 and I was
doing many circus shows all around. So I left and I thought about doing
carpentry. By then I was attracted to doing everything the Asian way – the
food, the women, everything! So I started my journey in Lithuania and from
there I travelled without taking an airplane. I took a train and I stopped for
2 months in Mongolia. Then I ended up in China, took a boat to Korea, then
another boat to Japan. To enter Japan, I had to try twice because they refused
me at the border the first time. After 3 months there I moved to Taiwan to join
my friend who was already settled down here. I didn’t have much money at this
point so I thought maybe it’s time to stop for a little bit. So I ended up
getting back to the routine and doing the things I do again.
Is there anything in particular that you like
about Taiwan?
I’ve lived here for 8 years. I like the time
Taiwan gives us – to experiment, to find a way of living easy, to have self
introspection, training, and practising. Also the Taiwanese are not very
connected to what is happening in Europe. You are away from comments and
feedbacks and you can just try things by yourself (without much criticism).
I was frustrated with everyone trying to tell
you something and the culture is strong so it’s heavy on your head and you are
doing things just because. I felt like you cannot be outside of this system.
The system is strong and so if you are an artist, most of the time in France,
you cannot do it differently. I’m very sensitive and I can be disturbed quite
easily. So yeah, Taiwan has given me that opportunity, that freedom of
isolation from many external factors.
I know that you started juggling at the age of
11. How does a young boy even seriously decide on juggling?
One day I opened a drawer at my uncle’s house
and found 3 juggling balls. I asked him what they were and their use and so he
showed me. Within an hour I could juggle all of them almost better than my
uncle. I had a lot of fun and from then on I never stopped. I was captivated
and I was fascinated by the idea of juggling being a gift to me and if I’m made
for it.
So I read a lot of books about it trying to
learn everything I could and meeting with a circus crew for teenagers until I was
too involved. I remember, around 15 years old, when I decided to carry a ball
around with me all the time. I slept with it, I ate with it, I showered with it
and never put it away. That’s when people in school, my parents, and everyone
just understood that it was something I wanted to do, so they recommended that
I go to a specialised school. So I left my high school when I was 16 and
stopped for one year to prepare and improve my technique to get into
pre-professional circus school. During this period I just learned from yoga and
theatre. I got in eventually but I also left that when I was 19 because it was
too intense. I wanted to learn by myself.
Well today, you have made a long career out of
it; you’ve even performed in a circus. What is that like? I’ve never ever seen
one – I’m very curious! Is it still a popular concept back home?
France is one of the best places to be in the
world for circus because the government still sponsors the culture of circus.
You have a lot of circus schools and people all over the world come to France
to study.
But basically you have the three types – the
traditional circus, the new circus, and the contemporary circus, all of them
are different. In the traditional one you have animals and every stereotype is
there, such as the clown and bearded women. The new circus is the circus coming
from the Americas, like ‘Cirque du Soleil’ in Quebec, Canada. It adds a story
and has grand costumes. For me it’s still very much ‘entertainment’ because
it’s big, it’s colourful, and it’s crazy. Contemporary circus on the other hand
is more like something that started in France and maybe Germany and England at
the same time. People wanted to use the circus to say something different about
the circus. So it’s not only about adding a story but to completely create a
new kind of circus. Like the artists Archaos, Beren, the son of Charlie Chaplin
and other people. For example Archaos is like punk circus; there are flames
destroying stuff, cars breaking, and everyone’s dirty and rock and roll. This
is why it’s very different. Now, the circus I was with was using juggling art
to speak about circus.
Well in Taiwan you are a licensed ‘street
performer.’ Now how do they even evaluate your eligibility? Tell us about the
process.
You have to pass an exam. They are organising
themselves more these days and they are following more rules. New rules
appeared and it’s more difficult for artists or other people to perform… Brook
knows a lot about these rules actually. (We were featured in the same magazine
before as well!)
Anyway before I got my license, I played in
Ximen and thankfully no one said anything. Sometimes I will go with a Taiwanese
person and we’d show his license to be safe. But the process is I had to pass
an exam they hold once a year and there’s a selection of 300 applicants. They
hold it in Sun Yat Sen Park and you repeat your act over and over and there
will be examiners going around and they choose the people that pass.
Well now that you’ve passed, congratulations!
Where have you done outside performances since then?
I did some juggling and played the accordion in
boats in Kaohsiung, in Ximending, or around 101. Now I’m a permanent act in
Huashan Park. But for me, I see it quite differently, it’s not really much of a
street performance anymore even though I’m outside. I’m more a circus artist
there. I have my ‘tent’ and I sell ‘tickets’. The ‘tickets’ are through people
giving whatever they want to give and my ‘tent’ is invisible, it’s just a
circle between these trees.
So you don’t consider yourself a street
performer?
Yeah. They gave me balls with labels that say
‘circus street performer’ and I changed it to ‘circus artist’ because that’s
how I feel. I got some complaints but I kept it anyway because it’s true – I’m
not a street performer. I had never done street performance before, only in
Taiwan. I didn’t have much of a choice here. For me it’s still me practising
‘theatre’ and the way I experiment with my art.
Besides the meaning of a street performer in
Chinese is too low so I always explain to them why I’m not a street performer.
Also they use a lot of these ‘street performers’ for events for cheap and the
quality is not very good – all of the shows look the same – and they
usually do it in front of a big department store…
So it’s safe to assume that you prefer
performances in more established venues?
Yeah of course. But now that I’m used to doing
it in the street I have gained additional skills. Like if I’m doing something
in the street – because I’m from the theatre, I’m from the circus – I will
think about what is missing that is related to where I’m from and bring those
elements to wherever I perform. So I’ve learned to use the lights of the
streets or interacting with a light-box maybe and so on.
Interacting with crowds, I’m sure, is a big part
of what you do, is it safe to say that you are a very extroverted person?
I’m shy and I’m not. I’m not automatically
extroverted just because I am on stage. The circus is extroverted because of
the humour and the act of stimulating the people but also I’m introverted
because a lot of times I have to work with objects, my own body, and the
movement aside from the crowd. It’s like contemporary dance or some sort of
distant art. So I’m playing between both personalities.
So, I don’t normally want to ask anything
related to this… not even to my friends, but I’m really curious. Do you
actually earn money doing street performances? Or is it more of a pro-bono,
give back to people kind of thing that you do? To be honest… I’ve also never
donated to such a thing. I feel bad now.
It depends greatly. With my permanent stay in
Huashan Park, it’s actually going pretty good because maybe I’ve become a
spectacle there and I’m gaining popularity. I will never do a show just for
money anyway. I don’t know how to do this. I will stick with my artistic
desires – continuing my work to get to the point I want to go to. It’s a good
thing that I’m getting popular so that circus art can be promoted and to make
people here like it.
Talking about the promotion of it here, is there
even a circus scene in Taiwan?
Uhm… yeah kind of. But for me it’s not circus.
‘Contemporary circus’ in Taiwan now is just a business. They are just making
big events for companies, temples, and department stores. They are just making
acrobatic shows and entertainment shows that clients want to see. Besides when
they try to make a contemporary circus show and rent a theatre space and work
on an idea, the intermediary people, between the clients and the artists, have
no soul and so it never goes well.
Another thing I know about you is that you are
also in fact a juggling teacher in a university here. That’s a pretty specific
role. How do your classes go normally?
The Chinese or Taiwanese Opera have an acrobatic
department and everyone learns music, singing, acrobatics, and theatre.
Juggling is under acrobatics and so I teach that.
I teach my classes in Mandarin Chinese. I teach
them my technique and from there I try to let them understand the freedom that
these techniques can give them. I just teach them the movements I could do and
just decompose it and explain it and make some games with the group. Before I
wanted to be more focus on performing, but now I like improvising with them and
giving them some individual solo exercises.
Contrary to that teaching title though, when you
do your own performances you don’t just juggle a bunch of things and call it a
day. As you said you are from the theatre, the circus, so how would you
describe your performances exactly?
I wrote on my website ‘juggling curiosity’ but
it’s more contemporary art, but popular, not elitist. Before I tried to do
special things and weird things with my art but I didn’t and will not make a
living that way. Juggling is too poor and juggling art is not considered in the
same way as other arts. I don’t want to stick with just the high society
things. I think because my work is suited for and near the people, but still
keeps the artistic integrity, people can understand or even gain more capacity
to understand more. Basically I want it to be like a movie. What I’m doing is
quite like a movie, I really believe that. It’s not like a piece but more like
a movie; I have to redo this movie every time. It’s like a polymorph movie.
Part of my show in Huashan is actually inspired by a movie by Quentin Dupieux
called Rubber. It’s a movie about a tire with psychic power and kills everyone.
It’s a surrealistically absurd movie and I really like this because I have a
special relationship with objects.
Aside from theatre, what inspires you?
So as I said, movies, like ones from Takeshi
Kitano, books, other artists’ works, or things such as ethnology, or even
scientists. People making things and devoted to their passion and the things
they’re doing – that inspires me. I like people that do everything by
themselves. I don’t like watching things like TED talks. I like searching
inspiration in my own ways.
I like Ted Talks….
I mean I like it but also I don’t like it. It’s
too produced. It’s like a product and you have the design and it’s too
processed and it’s always presented almost the same way… I do watch it
sometimes but just by random.
Taiwan seems to embrace your chosen art form
quite warmly. I’ve even seen videos of you performing on Taiwanese television?
What was that like?
Television is very hard because it’s a lot of
pressure. They want the final product to be fast and really perfect. So you
have to be well prepared and they are not very considerate about what’s
happening. It was fun to go on air and experience it but I don’t really have
the desire to do it too often. So yeah, I won’t try to be in every primetime
show or anything. They asked weird questions to me that I tried to avoid
answering. I remember they asked me something like ‘oh what do you eat?’ and so
I try to make bad jokes that they can’t release on TV so I know what they’d
release. Last time I was on TV my ears were red because they forgot to do my
makeup and so I did it myself and the host saw it and made comments about it…
Sounds a bit weird. Do you think that the
audience there or the host understood your performance the way you wanted to
portray it?
I didn’t do my usual routine. They asked me to
do my show but I only had 3 minutes so they say put the most amazing things all
together. And I had to send them a few videos before I went and they called a
lot of times and it wasn’t even that well paid. A lot of people think that when
you appear in TV here that you are immediately ‘different’… for me it’s very
annoying.
Do you get recognised when you are out? If so
what are the usual remarks people give you?
Yeah people recognise me and say ‘Oh yeah I saw
you on TV! Let’s take a picture together!’ They will compliment me and will
often say that I must work hard and put a lot of effort and that I must be
tired and at first I would say ‘oh thank you thank you’ but now I say no I’m
not tired at all. I guess they see me moving a lot and they don’t know what
else to say so they say that. So now I reply that I’m not tired, it’s nothing,
I’m used to it. But when people ask me things sometimes it’s all the same so
yeah maybe they don’t get it that much… so then I just play with the
stereotypes to make fun and to be tricky and make something shocking happen.
What’s the most awkward conversation you had with
a viewer?
Last year, there’s this one guy that came to me
after the show and said ‘you touched my dick during the show’. But I was
blindfolded actually so I just said ‘uh yeah…. and?’ So that was that.
You already mentioned that what you do,
especially juggling, is not regarded in the same light as other arts; that
making a living with it is quite hard too. So why do you keep doing it? What
makes you keep going?
I will say this… I like art and I like making
art and I don’t want to stop. For me juggling is art and it’s like life. It’s
like breathing; you can look for every kind of meaning with breathing but you
still need it; that’s juggling for me. It’s a gift to my life and I want to
give back to this art. And also to different arts around for this matter.
Especially for the past 5 years, I’ve been practising high skilled Qi Gong here
in Taiwan. It’s healing and breathing I can actually combine with juggling now.
So more than ever when I’m juggling there’s more and more meaning to it. I can
cultivate more power inside my body, keep healthy, and do things till I’m old.
As much as our society needs poets, and if there is room for these people that
use metaphors to explain things, then there is a place for us jugglers that
create and make things. I mean the world even needs monks, and monks seem quite
useless to me most of the time… But most of all, if I’m not juggling, I need to
go back to it to feel like myself again. It’s my freedom, but the weird thing
is that if I actually stop it I don’t feel free and I lose my stability. I need
it to stay sane. I attain peace through juggling. It’s the infinity movement.
VI -
VI -
Questions pour préparer l'interview avec Valentin Lechat
(Insister sur l’expérience, le récit, l’anecdote)
1.
Pourriez-vous vous présenter et nous parler de votre
parcours ?
2.
Pourquoi vous vous êtes implanté à Taïwan ? Traditionnellement,
le vie des circassiens est associée à la vie foraine et à un mode de vie nomade
(forains assimilés aux gens du voyage) : le fait d’être venu à Taiwan
après un long voyage, n’est-il pas une tentative pour renouer avec l’esprit
originel du saltimbanque ? Quels sacrifices cette passion a-t-elle
entraîné ? Pouvez-vous nous raconter (une part de) cette aventure ?
3.
Vous distinguez
3 types de cirque. Le cirque traditionnel. Le cirque moderne, le
cirque contemporain. Dans les 3 cas la proportion entre performance et la
représentation n’est pas la même, est-ce que vous pourriez expliquez les
différences en nous donnant des exemples… Pourquoi privilégiez l’un plutôt que
l’autre ?
4.
Où préférez-vous
vous produire ? Dans toutes vos expériences, quels
lieux avez-vous préférez ?
5.
Formation-Transmission : Vous
vous êtes détourné de la formation des écoles de cirque pour suivre
l’enseignement d’un maître-jongleur, Jérôme Thomas. Pourquoi cette
rupture ? Pouvez-vous décrire cette expérience ? Que vous-a-t-elle
apporté ? Pourquoi avoir rompu avec Jérôme Thomas ? Que vous apporte
Mickael Moschen ?
6.
Terminologie : jonglerie ou jonglage ? Jongleur, manipulateur d’objet ou street
performer, artiste jongleur ? quelle appellation préférez-vous ?
Comment le traduisez-vous ? Pourquoi ? Comment
définissez-vous le jongleur et le jonglage ? Vous insistez sur le
statut de 義術假. N’est-ce pas
parce que le statut artistique qu’a conquis le théâtre contemporain n’est
pas acquis à Taiwan ?
7.
Originalité et Marginalité : La vie des jongleurs a été très tôt condamné à la
marginalité (condamnation par le droit roman, condamnation morale par l’église)
: n’y a-t-il pas un esprit saltimbanque qui vient de cette marginalité ?
N’y a-t-il pas une culture de la marge ? (Autrement dit est-ce que
l’originalité n’implique pas une certaine forme de marginalité) ? Comment
les jongleurs sont-ils perçus à Taiwan ?
8.
FACES 臉 : Pourquoi avoir baptisé votre spectacle
« FACES 臉 » ? Qu'est-ce que ce titre
signifie ? Y a-t-il un lien avec Tsai Ming liang ?
9.
Le bon
numéro : Avec l’institutionnalisation et l’internationalisation des pratiques, il
est de plus en plus difficile de trouver un bon numéro. Dans l’interview
accordé à Quint Magazine, vous évoquez le poids de la culture qui l’a
insité à rompre avec le système. Le voyage à Taiwan, lui a-t-il permis de
gagner en originalité ?
10. Paradoxe
de l’institutionnalisation de la marge : L’institutionnalisation n’est-elle pas contraire à l’esprit du
saltimbanque ? N’est-ce pas cette forme d’institutionnalisation qui vous a
gêné et poussé à rompre avec les écoles de cirque, puis plus tard avec son
mentor Jérôme Thomas.
11. Télévision et
nouveaux médias : les arts du cirque remontent à la plus ancienne
antiquité, comment se sont-ils adapter aux médias du spectacle comme la
télévision ? Dans quelles conditions, le jonglage est-il compatible avec
les nouveaux médias ? Pouvez-vous nous faire part de votre
expérience ?
12. Public et scène : Dans les théâtres, il y a la rampe qui marque la séparation avec les
spectateurs, est-ce qu’à votre avis, cette séparation est importante ? Comment
marquer quand on est dans la rue la séparation avec le public ? Comment
réagit le public taïwanais ? Quelle est la part de représentation et
la part de performance ?
13.
Techniques de jongle et football : Vous pratiquez
plusieurs techniques (jonglerie lancée, contact, équilibre, antipodiste),
quelle technique préfère-t-il ? Un texte de Jérôme Medrano rapporte que
Rastellini a rencontré le Racing Club de Paris et leur avait fait une
démonstration de jongle (dribbling). N’est-ce pas dans le jongle qu’on trouve
sur les terrains de foot que survit la part populaire du jonglage ?
14.
Préparez-vous un nouveau
spectacle ?
15.
Quel est l’enjeu de votre prochain séjour au Portugal ?
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