mercredi 24 février 2016

cours 18 portraits Debray et esquisse de la médiologie. L'influence de Benjamin.

"tout est message si l'on veut, des stimuli naturels aux stimuli sociaux, ou des signaux aux signes - mais tout ne fait pas héritage".
Régis DEBRAY, Introduction à la médiologie, Paris, PUF, 2000, p. 17



- Esquisse d'une figure de l'Intelligentsia.

Avant de découvrir le système de pensée élaboré par  Régis Debray : la médiologie. Il n'est pas inutile de s'arrêter sur sa biographie. Elle a le mérite de rappeler la volonté du philosophe de rapporter le monde des idées au monde réel, de confronter la philosophie au concret de l'histoire et à la pratique de la politique d'une part et à travers la médiologie de faire dépendre ce monde des idées - les courants de pensée - au monde matériel, celui de la technique et des institutions (politiques, civiles, etc).

Cette effort est intimement lié à la conscience de la valeur exemplaire de l'expérience sensible comme point de départ de la connaissance. Sa philosophie contient un nécessaire retour sur expérience et une méfiance à l'égard de la philosophie même. Ce qui donne un style incomparable, formulaire…

1940, naissance à Paris.
1960, entrée à l’École normale supérieure d’Ulm (cacique).
1965, agrégation de philosophie.
1965-1967, Cuba et Amérique Latine.
1967-1971, prison (Camiri, Bolivie).
1971-1972, résidence au Chili.
1973, réinstallation en France.
1981-1985, chargé de mission auprès du Président de la République pour les relations internationales.
1984-1985, secrétaire Général du Conseil du Pacifique Sud.
1985-1992, maître des Requêtes au Conseil d’État. Mise en disponibilité sans traitement en 1988. Démission en 1992.
1991-1992, responsable culturel du Pavillon français à l’exposition universelle de Séville.
1993, thèse de doctorat, Paris I, titre : « Vie et mort de l’image. Une histoire du regard en Occident », sous la direction de M. François Dagognet.
1994, habilitation à diriger des recherches, sur travaux, jury présidé par M. Bourgeois, en Sorbonne.
1996, naissance des Cahiers de Médiologie (1996-2002, semestriel, Gallimard ; 2003, semestriel, Fayard).
1998, directeur de programme au Collège international de philosophie (avec François Dagognet, un séminaire sur « Technique et Philosophie »).
1998-2002, président du Conseil scientifique de l’École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques (ENSIBB).
1999, professeur de philosophie à l’Université Jean Moulin, Lyon III.
2002-2004, président de l’Institut Européen en Sciences des Religions, Paris XIV (détachement auprès de l’École Pratique des Hautes Études, à Paris).
2005, créé la revue Médium, transmettre pour innover aux Éditions Babylone et devient président d’honneur de l’Institut européen en sciences des religions.
2011-2015, membre de l’académie Goncourt (au couvert de Michel Tournier).

Site de Régis Debray : http://regisdebray.com

Site de la médiologie : http://www.mediologie.org

Quelques commentaires rapide sur cette biographie "officielle".

Régis Debray a un parcours (en apparence au moins) exemplaire : formation solide (ENS). Engagement révolutionnaire précoce auprès du Che Guevara. Conseiller auprès de Mitterand. Formation universitaire et création d'une discipline académique. Dans le détail, il prête le flanc à la critique. On le soupçonne par exemple d'avoir contribué à la chute du Che. Sur le plan universitaire, sa "discipline", qui s'efforce de percer dans les années 90 survit difficilement...

Régis Debray est aussi une personnalité très médiatique et un philosophe engagé qui a déclenché nombre de polémiques. Il a adopté des positions difficilement défendables (polémiques sur la Serbie). Et il a été l'objet de vives critiques tant de la part des journalistes (Le Monde entre autres n'a pas toujours été tendre à son égard), que de la part des philosophe (Jacques Bouveresse par exemple, le décrit comme un imposteur).

Cependant, la médiologie propose discipline composite et une méthode d'analyse originale des événements qui a convaincu un grand nombre de chercheurs parmi lesquels des philosophes, des historiens, des biologistes, des spécialistes des médias, etc. C'est un monument récent qu'il faut visiter avec curiosité et en mettant de côtés nos préjugés pour le moment (La sémiologie comme pratique universitaire a elle aussi eu une durée de vie limitée).

Je vous propose de jouer le jeu (intellectuel) d'habiter cette pensée...


II - Lecture et initiation à la méthode : articulation technique/institution/idée
- la médiologie n'est pas l'étude des médias
- la médiologie s'intéresse aux phénomènes de transmission (diachronie)
- la médiologie ne s'intéresse pas seulement à la communication (synchronie) mais à la "dynamique de la mémoire collective".

p. 2-3 : "Pour aborder au Continent du "transmettre", qui n'est pas visible à l'oeil nu et qui , comme tous les concepts opératoires, ne peut être reçu tel quel de l'expérience immédiate, il nous faut dépasser l'horizon du "communiquer"

p. 4 "il n'y a jamais eu de machine à transmettre" "une transmission est une communication optimisée par un corps, individuel et collectif" c'est un processus éducatif.

- les techniques de communication ne suffisent pas à la transmission.
p. 5 pas de transmission sans "le fil conducteur et transgénérationnel d'une institution"

p. 6 - diagnostique un crise de civilisation (crise de transmission) : hiatus entre les moyens consacrés à la communication et le désintérêt pour la mémoire véhiculée par les institutions. 

p. 8 " Si la mémoire collective se reposait sur les lieux du même nom, la collectivité deviendrait bientôt amnésique"

p. 11 : Politique : "le refus des hiérarchies se confond souvent avec celui des médiations : c'est un instantanéisme et un illuminisme"

p. 12 : savoir et information : "un journaliste communique, un professeur transmet (différences des informations aux connaissances)"

p. 16 intérêt anthropologique : "Nous sommes la seul espèce animale susceptible de transmettre, d'une génération à l'autre plus que des comportements, des créations nouvelles. " p. 17 "homo innove parce qu'il stocke"

p. 17 une différence avec la sémiotique : "tout est message si l'on veut, des stimuli naturels aux stimuli sociaux, ou des signaux aux signes - mais tout ne fait pas héritage"

p. 18 "la mortalité de l'individu se voit compenser par l'immortalité collective de l'espèce"

p. 19 un proverbe chinois : le connaissez-vous ? "La mémoire l plus forte est plus faible que l'encre la plus pâle"... (va-t-on pouvoir proposer des "Néo-cheng-yu") interprété de manière médiologique : "Le paradoxe est qu'il y a plus dans l'aide-mémoire que dans la mémoire, plus dans le pense-bête que dans le penseur"

p. 20 "on ne peut transmettre que ce qu'on a conservé".
un mythe : "Le self made man n'a jamais existé. Nous sommes faits de tous ceux qui nous ont précédés"

p. 21 Pas de positionnement moral ni "téléologie spéculatives". Ni Malraux ni Nietzsche. Seulement : "à quelles conditions matérielles et sociales un héritage est-il possible ? "

p. 24 quel sens de la formule "Au début était l'os, non le Logos"

p. 26 "l'architecture précède la littérature; comme les pierres, les mots. Et la trace, le signe".

Ainsi la médiologie se situe en amont de la sémiologie.

p. 26 "un sémiologue s'attachera en priorité au signifié graphique, ou au jeu des signifiants; un médiologue, à la procédure d'inscription, ainsi qu'à l'outil et au matériau utilisés"

p. 27 Il faut "décrocher le sens de l'orbite sémiotique"

La boucle est bouclée, on en revient à l'endroit où je vous avez laissé la semaine dernière : Victor Hugo et Barthes.


III - le programme :

But : 8 portraits pour BFT.

On va donc se préoccuper de quelques institutions taïwanaises... littéraires au sens large.

Qu'est-ce donc qu'une institution ? (du latin instituo :"établir")




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Ouvrages de référence
de médiologie
1.     Histoire de RTI
Radio gouvernementale
Xavier Mehl (ancien journaliste à RTI)

Mélanie Ferrand (journaliste à RTI)

Histoire des médias.
Médias et démocratie.
Catherine Bertho-Lavenir (médiologue)
2.     L’édition littéraire à Taiwan et en France
Maisons d’édition
Et BIEF (Bureau International de l’Éditions Française)
Pierre Yves Baubry
et Kun-yung Wu (坤墉) éditions Utopie
Debray

Rapport du BIEF

Site Lettres de Taiwan
3.     Urban sketcher
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 L'art du croquis urbain de Campanario
4.     Architecture, urbanisme et tout le tremblement…
 Agence d'architecte, cabinet privé
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 Sémiologie et urbanisme de Barthes

5.     Arts de la rue. La manche sous les tropiques. 
Le macadam
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 Arts de la rue.
Cahiers de Médiologie. 
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Institutions des cafés à Taiwan
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Cafés et démocratie…
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Mémorial du 2-28

Chen Wu-jen, artiste peintre et rescapé de la torture.
ancienne victime du 2/28, prison-musée
 Histoire de Taiwan
Récits d'anciens prisonniers
e
8.     La bicyclette et u-bike et Giant ?
 Entreprise Giant

Histoire de la bicyclette par Bertho-Lavenir
http://www.mediologie.org/cahiers-de-mediologie/05_bicyclette/bertho01.pdf
9.     L'affaire des manuels scolaires
Ministère de l'éducation
Tanguy Lepesant
?
 sociologie des manuels scolaires
in Perspectives chinoises
10.   L’Islam à Taiwan
Mosquée de Taiwan
L’imam de la mosquée
Cui-nan (崔楠), journaliste à China News, spécialiste de la question des musulmans à Taiwan
Debray (religion, laïcité et la sacralisation du sacré)

Maurice Sachot, l'Invention du Christ

Qui veut faire quoi ?

Angélique : Histoire de RTI/Café philo
David : Edition / manuel scolaire
Elisabeth : Café philo/ manuel scolaire



IV - travail graphique possible : 8 Néo Cheng-yu (exemplum graphique = anecdote en strip à vertu morale)

V - une émission de radio : 
Dernièrement une conférence de Régis Debray dans l'émission "les Chemins de la connaissance". Le philosophe médiologue analyse l'actualité à partir de Walter Benjamin.

http://www.franceculture.fr/emissions/les-nouveaux-chemins-de-la-connaissance/lannee-vue-par-la-philosophie-55-grand-entretien

VI - un texte : le "conteur" de Walter Benjamin



mercredi 17 février 2016

Cours n°17 présentation du second semestre. De la sémiologie à la médiologie.

"Le paradoxe est qu'il y a plus dans l'aide-mémoire que dans la mémoire, plus dans le pense-bête que dans le penseur" Régis DEBRAY, Introduction à la médiologie, Paris, PUF, 2000, p. 19

Juby Chiu interviewée par Elisabeth et David

I - En guise de transition. 

De la sémiologie à la médiologie. Ce cours de présentation va être une transition entre deux approches celle que nous avons découvert en accompagnant Roland Barthes et celle que nous allons découvrir avec Régis Debray. 

Pour vous faire comprendre le rapport entre ces deux "disciplines transversales", nous allons partir d'une référence commune à ces deux penseurs, en l'occurrence à Notre Dame de Paris de Victor Hugo. 

"Plusieurs écrivains ont parlé de la ville en termes de signification. Un des auteurs qui a le mieux exprimé cette nature essentiellement signifiante de l'espace urbain est selon moi Victor Hugo. Dans Notre-Dame de Paris, Hugo a écrit un très beau chapitre, d'une intelligence très fine, "celui-ci tuera celui-là"; celui-ci c'est-à-dire le livre, celui-là, c'est-à-dire le monument. En s'exprimant ainsi, Hugo fait preuve d'une façon assez moderne de concevoir le monument et la ville, véritablement comme une écriture, comme une inscription de l'homme dans l'espace. Ce chapitre de Victor Hugo est consacré à la rivalité entre deux modes d'écritures, l'écriture par la pierre et l'écriture sur le papier."
Roland BARTHES, "Sémiologie et urbanisme" in L'Aventure sémiologique, Paris, Seuil, 1985, p. 262-3.

Décidément ce cours, cette année sera sous le signe de V. Hugo. 

Régis Debray a commenté ce chapitre "Ceci tuera cela" en des termes assez différents. 

Pour Victor Hugo, "Ceci tuera cela" désigne la disparition du monument au profit de l'imprimerieLe roman écrit au XIX raconte une histoire qui est contemporaine de l'invention de l'imprimerie par Gutenberg (1453). Le monument de pierre (comme l'église de Notre-Dame) était un moyen de communiquer et de transmettre aux hommes l'autorité de la parole biblique. Frollo l'archidiacre de Notre-Dame de Paris regarde avec angoisse, cette invention qui va lui ravir l'autorité qu'il exerce à travers l'église dont il est le responsable. 

Pour Roland Barthes, "Ceci tuera cela" désigne la même chose. Mais il est surtout un moyen pour montrer que les signes ne sont pas uniquement alphabétiques. Un monument est aussi signifiant qu'un livre. On peut interpréter l'urbanisme comme un système de signes. 

Pour Debray, "ceci tuera cela" symbolise le passage entre deux médiasphères distinctes qui se caractérisent par les supports de transmission (ou médium) : on passe de la logosphère (écriture) à la graphoshère (imprimerie).

Voyons de quoi il s'agit en lisant cet extrait du chapitre III de son Introduction à la médiologie p. 69 à 72. 






1 - "ceci remplacera cela" : passage de la logosphère à la graphosphère. 
2 - La médiologie n'est pas l'étude des médias mais celle des médiums
3 - méthode I "traque des préjugés" méthode II (idée, technique, institution)

Commençons la lecture du chapitre 1



II - Revenons sur le bilan du semestre précédent :

- retour sur le bilan de la fin de semestre et vos commentaires sur vos productions.

- Pour s'améliorer rien de tel que d'écouter une émission de radio : les "Pieds sur terre".


La semaine prochaine je vous présenterai un autre aspect de la médiologie et vous présenterez une série de sujets que l'on pourra traiter.



III - Pour la semaine prochaine 

1 - Samedi : salon du livre à Taipei. Êtes-vous intéressés ?  Deux places.

2 - Finir les documentaires

3 - Écoutez un documentaire de votre choix dans l'émission  Les Pieds sur terre puis présentez-le en cours : http://www.franceculture.fr/emissions/les-pieds-sur-terre?p=2

4 - Finir la lecture du premier chapitre de Introduction à la médiologie