Laurence Marcout, journaliste à Taiwan Aujourd'hui,
interviewée par Valentin Chu et Tiffany Xue (Photo Hubert Kilian, Taipei, 2010)
Voici un calendrier indicatif du déroulement du semestre. Le contenu du cours évoluera en fonction du suivi des interviews et de la préparation des documentaires.
Calendrier du premier semestre
Journalistes sémiologues
17 septembre. Cours n°1 – Lire le
monde. Une autre manière de voir le monde. Principes de la littérature appliquée. Le
projet sémiologique. Présentation de L’Empire
des signes. Côté pratique : Présentation de l’enregistreur. Devinettes sonores. Propositions de 10 sujets.
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24 septembre. Cours n°2 – Empire
des signes. Chapitre Haïku « l’effraction du sens ». p. 93-98.) Côté
pratique : Interviews et 5 w et +. Fiche « un bon interview ».
Préparation première entretien. Exercices : haïkus sonores.
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1 er octobre. Cours n°3 – Barthes et la presse I. Déterminer un sujet. Plaisir : point commun entre Barthes
(Plaisir du texte) et le
journalisme (obsession du lectorat)… Côté pratique : création
d’un jingle. Interviews à 中央. Calendrier des travaux. Fiche : la recherche
documentaire.
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8 octobre. Cours n°4 – Barthes et la presse
II. « L’affaire Dominici »
Dans les Mythologies. Métalangage et stéréotype. Cf. H. Merlin-Kajman. Côté
pratique : Interviews et micro-trottoir. Prise de contact. Le conducteur radio. Fiche :
monter une émission de radio.
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15 octobre. Cours n° 5 – Les formats radio et le rapport à l'information.
La diversité
des styles. Style noble, style populaire. Présentation de nos partenaires. Extraits.
Côté pratique : décomposition du documentaire. Première interview.
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22 octobre. Cours n°6 – L’écriture
radiophonique. La doxa. Quelques manuels à
destination des néophytes. Introduction au journalisme littéraire. Côté
pratique : Interviews extérieures. Conducteurs radio.
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29 octobre. Cours n°7. Angles d’approche et problématique. Les stratégies du journaliste
et les lignes éditoriales. Accueil d’Hubert Kilian. "Taiwan aujourd’hui. RTI.
Asialyst : la ligne éditoriale et la liberté du journaliste" Côté pratique :
Interview de Hubert Kilian.
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5 novembre. Cours n°8 : absence. Conférence à Louvain. Évaluation. Côté pratique : exercices
sur les documentaires. Jingles et génériques.
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12 novembre. Cours n°9 : Sémiologie et métalangage. L’Actualité : l’info et
l’analyse. Côté pratique : réflexion critique sur l’angle des
documentaires.
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19 novembre Cours n°10 : Le sens
implicite. La stratégie du journaliste et la recherche de l’info. Côté pratique : Faire dire ce que l’on ne veut pas dire.
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26 novembre Cours n°11. Les
critiques de l'oeuvre de R. Barthes I. Barthes en question. Poulet (polémique autour de la « nouvelle
critique »). Kajman (critique de l’emprise idéologique). Côté pratique : travail du documentaire. L’écriture fine du conducteur. Les
transitions.
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3 décembre Cours n° 12. Les
critiques de l'oeuvre de R. Barthes II. Barthes en question. Pavel (critique du paradigme
linguistique). Ruth Amossy (Critique de l’usage des stéréotypes). Côté pratique : travail sur les documentaires. La
dynamique.
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10 décembre Cours n° 13. La
réception de R. Barthes (à Taiwan et en Chine).
Côté
pratique : Accueil et interview de Guillaume Chiang. Reportage possible.
Un patron de café à Chiayi, passionné de Barthes.
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17 décembre Cours n° 14. Le
journalisme littéraire. Le renouveau du journalisme. Côté pratique : le travail de montage.
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24 décembre Cours n° 15. L’écriture
littéraire à la radio : le documentaire.
Côté
pratique : premier documentaire, écoute et correction. Le retour des partenaires.
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7 janvier Cours n° 16 : L’écriture
littéraire à la radio : le style littéraire oral.
Côté
pratique : lecture. Documentaire suivant.
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14 janvier Cours n° 17 : Lecture et articulation. Côté pratique : lecture.
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21 janvier Cours n° 18 Bilan.
Présentation du second semestre. De la sémiologie à la médiologie. Côté pratique : séance
d’écoute des travaux.
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Second semestre : Brève histoire de la radio. Radio et démocratie. Radios libres. Le
cas de Taiwan. Crise du journalisme et
le journalisme littéraire et le grand reportage. L’approche
médiologique. La technologie de la radio. Changement de support. Le
journalisme littéraire. Bd reportage.
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Commençons par définir
les termes de ce cours : « littérature appliquée »,
« initiation aux métiers »,
« journalisme », « radio ».
1° « littérature
appliquée » :
Le concept du cours de
« littérature appliquée » est un concept qui correspond aux principes
sémiologiques que Roland Barthes (1915-1980) a contribué à forger. En s’inspirant de la
linguistique, la sémiologie présuppose que le monde est construit selon des systèmes de signes et que par
conséquent, il est possible de lire le monde comme on lit un texte littéraire. Profitons du centenaire de sa naissance pour approfondir cette conception du monde.
La sémiologie serait
donc l’étude de l’ensemble des systèmes de signes dont la linguistique ne
serait qu’une branche. La langue est un système de signes complexes. Mais il
existe une infinité d’autres systèmes de signes (ou langages) plus simples à
analyser : tels que le vêtement (cf. le
Système de la mode), la nourriture (le système alimentaire), la voiture (le
système automobile), etc. Il faudra donc au moment de penser nos documentaires,
replacer nos sujets dans le cadre d’un système. Un système est un ensemble
d’éléments qui se combinent et se définissent chacun par rapport à l’autre. Le
premier système qui sert de modèle à tous les autres, est le système
linguistique.
Ainsi à propos de la
distinction saussurienne entre Langue
et Parole : « L’aspect
combinatoire de la Parole est évidemment capital, car il implique que la Parole
est constituée par le retour de signes identiques : c’est parce que les
signes se répètent d’un discours à l’autre et dans un même discours (quoique
combinés selon la diversité infinie des paroles) que chaque signe devient un
élément de la Langue ; et c’est parce que la Parole est essentiellement
une combinatoire qu’elle correspond à un acte individuel et non à une création
pure. » (L’Aventure sémiologique,
Introduction publiée dans le Monde le 7 juin 1974, Paris Seuil, 1985. p. 13) La parole « peut être
définie, outre les amplitudes de phonation, comme une combinaison (variée) de
signes (récurrents) » (idem. p. 24).
La sémiologie s’inspire
en grande partie de la linguistique (celle de Saussure en particulier) dont
l’essor entraine une révolution dans les champs des sciences humaines créant
ainsi un paradigme linguistique. Le structuralisme
(de Lévi Strauss Cf. Anthropologie
structurale) est directement une émanation de la linguistique. Celle-ci a
également influencé la psychanalyse (pour Lacan, l’inconscient est construit
comme un langage), la sociologie (Erwin Goffman et ses systèmes
d’interactions), etc. Bref la
linguistique a largement débordé le cadre de sa discipline en créant une sorte
de révolution.
Nous allons donc nous
initier à cette méthode. Il ne s’agira que d’une sensibilisation car le simple
cadre de ce cours est insuffisant pour un approfondissement de cette théorie.
La sémiologie est une pratique fastidieuse (à vocation scientifique) et qui
comporte dans le détail certains écueils dont nous reparlerons. Nous choisirons
plutôt la souplesse et le ludisme.
Premier semestre: nous
allons lire deux ouvrages parmi les plus simples mais les plus
éclairants et les plus faciles d’accès. Ils ont le mérite d’avoir été
traduits et nous aurons l’occasion d’en discuter avec deux de ces traducteurs (許 綺玲 et江灝 alias Guillaume Chiang : Mythologies
et L’Empire des signes. Un. Vous
pourrez donc vous y reporter facilement. Deux. Ils sont relativement simples. Trois.
Ils contiennent une méthode que l’on peut reproduire. Quatre : ils encadrent
la production de R. Barthes et permettent de distinguer les invariants de sa
pensée. Hormis ces deux textes, je ferai régulièrement référence aux autres
textes de Roland Barthes.
Je voudrais commencer par vous lire un texte qui évoque l’idée
de « monde comme système de signes ».
Barthes écrit dans L’Aventure sémiologique : « le
texte excède l’ancienne œuvre littéraire ; il y a par exemple, un Texte de
la Vie, dans lequel j’ai essayé d’entrer par l’écriture à propos du
Japon ». (L’Aventure sémiologique,
Introduction publiée dans le Monde le 7 juin 1974, Paris Seuil, 1985. p. 13)
Voir le Système de la mode, concept de « syntaxe de la description »
et Chantal Thomas, Pour Roland Barthes,
Paris, Seuil, 2015, p. 65
Voyons donc le premier
chapitre de L’Empire des signes.
2 ° « initiation aux métiers » : Le terme d’initiation auquel j’ai fait référence tout à l’heure prend tout son sens à la lecture de ces textes. L’initiation est précisément la découverte que le savoir universitaire (univers: unus et versus) s’ouvre sur le monde et qu’il peut servir à lire le monde (en tant que système de signes) à mieux le comprendre (l’analyser). Un. Contrairement à certaines idées reçues selon lesquelles l’université est coupée du monde (et donc est une perte de temps), ce savoir-là peut être une plus-value sur un plan professionnel. Deux. Vous pourrez également vous "faire la main" et pour les plus motivés faire des stages pour vous en convaincre (Pour ce faire nous allons travailler avec un certain nombre de partenaires que je vais vous présenter : Pinewave, BFT et RCP notamment. Asialyst par ailleurs. Tel est le programme contenu dans la notion de « littérature appliquée ».
À chacun de nos
partenaires, nous allons proposer des reportages radio qui prendront des formats distincts. En échange, ceux-ci diffuseront et accueilleront éventuellement les étudiants en stage.
Formats radiophoniques
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Partenaire
Supports de diffusion
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Sujets de reportages à déterminer
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Très courts
Ex : « haïkus
sonores »
1 à 2 mn.
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Radio Campus Paris
(Radio FM)
Asialyst (website)
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Courts
Ex :
« marque-page »
3 à 5 mn.
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Asialyst (website)
BFT (website)
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Intermédiaire
« Portraits ».
5 mn à 20mn
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BFT (website)
|
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« Documentaires »
30 mn à 1h.
|
Radio Campus Paris
(Radio FM)
Pinewave (web-radio
de NCU)
|
3 ° le « journalisme »
en général et la « radio » en particulier :
Cette logique de la
« lecture du monde comme vaste système de signes » ne se confond
pas avec le journalisme. Loin s’en faut. Ce qui caractérise la démarche de
Barthes et avec lui, celle des sémiologues (Umberto Eco, Klinckenberg, et
consorts), c’est un principe de distanciation critique. Roland Barthes ne
cesse de faire référence à la presse. Dans les
Mythologies, Roland Barthes fait du journalisme au second degré. Son discours
sur le journalisme est un métalangage
(un discours sur le discours). Il n’empêche : ce métalangage est une
matière à réflexion et analyse qui peut s’intégrer au journalisme. Ce que nous
allons montrer via l’outil radiophonique.
Même si nous n’allons
pas pousser l’analyse aussi loin que R. Barthes, nous chercherons à garder
cette distance critique en utilisant une
méthode sémiologique simplifiée. D’où une série de sujets plutôt
« cool » (quelques sujets « hard »). Choisissez un sujet
dans le tableau et proposez ensuite votre propre sujet.
Listes non exhaustives de sujets possibles
|
Interlocuteurs/ spécialistes/
référents
|
Système-cadre
|
Ouvrages de références et documents à compléter
|
1.
L’essor
de la psychanalyse à Taiwan
|
Nancy
Wang Hao-wei (王浩威)
|
Système
de l’inconscient
|
François
Jullien, Cinq concepts proposés à la
psychanalyse, Paris, Grasset, 2013.
Articles
de presse.
|
2.
La
peine de mort à Taiwan
|
Le
metteur en scène Chen Yi-wen adapte les
Derniers jours d’un condamné au Thinkers’
theater
du 8 au 11 octobre.
Sarah
Wandy, diplomate spécialiste des Droits de l’homme (BFT)
|
Système
pénal
|
Victor
Hugo, Les Derniers jours d’un condamné,
1829.
Camus,
Réflexions sur la peine capitale.
Badinter,
L’Abolition.
Article
sur la peine de mort à Taiwan.
|
3.
Le
jongleur de 華山et les
arts de la rue à Taiwan
|
Valentin
Le Chat
|
Système
des métiers du spectacle
|
Frédéric
Durand, À l’école du cirque,
Éditions L’Entretemps, 2005.
|
4.
Réception
de la cuisine africaine à Taiwan
|
Chef
cuisinier togolais de天母
|
Système
de l’alimentaire
|
Jean-Pierre Poulain, Sociologies
de l’alimentation, Paris, P.U.F |
5. Le phénomène des Urban Sketchers à Taiwan.
|
Carton
Shen, président de l’association des Urban
sketchers
|
Système
de l’urbanisme
|
Urban
sketchers, ?
Le sens de la ville.
Barthes, «
Sémiologie et urbanisme » in L’aventure Sémiologique. Paris, Seuil,
1967, p. 261-271.
|
6.
La
mode taïwanaise
|
Tsai
Shu-ling
Sophie Hong |
Système
de la mode
|
Gilles
Lipovetsky L'Empire de l'éphémère. La mode et ses destins dans les
sociétés modernes.. Paris, Gallimard, 1987.
Roland
Barthes, Le Système de la mode,
Paris, Seuil, 1967
|
7. Les élections présidentielles et le
bestiaire politique
|
Frank
Muyard, sociologue et sinologue (NCU)
|
Système
des élections
|
Roland
Barthes, Les Mythologies, Paris,
Seuil, 1957.
Jacinta
Ho Kang-mei et Pierre Mallet, Lee Teng-hui et la « révolution
tranquille » de Taïwan, L'Harmattan 2005.
|
8.
La
scène rock à Taiwan
|
小雞, bassiste du groupe de rock, 那我懂你的意思了
Jean-François Danis, conseiller au ministère de la
culture.
|
Système
de la culture musicale
|
Jean Molino, Le singe musicien. Sémiologie
et anthropologie de la musique, Paris, Actes Sud / INA,
2009.
|
9.
La
pêche traditionnelle à Taiwan
|
飛魚, artiste et pêcheur de Lan-yu.
|
Système
d’exploitation de la pêche
|
Articles de presse
|
10.
Le paradoxe de 金門
|
Pr.
Wang Chen-Sheng
|
Système
de l’urbanisme
|
Articles de presse
|
11.
Le
renouveau de la gravure à Taiwan
|
Artiste
et pr. 陳華俊
Artiste et pr. 廖修平
|
Système
du marché de l’art
|
Brochure,
The Marks of time,
The
Printmaking Society of Taiwan.
|
12.
Autres
|
…
|
…
|
…
|
La radio n’est un pas un
média (un medium pourrait-on dire) étranger à Roland Barthes. Un. Il a lui-même
participé à des émissions de radio. Deux. Il est particulièrement sensible à la
matérialité de la voix (phonologie) et des sons.
D’une part, parce que la
langue repose sur un principe de double articulation :
« Depuis Saussure, la théorie du signe
linguistique s’est enrichie du principe de la double articulation, dont Martinet a montré l’importance, au point
d’en faire le critère définitionnel du langage : parmi les signes
linguistiques, il faut en effet séparer les unités
significatives, dont chacune est
douée d’un sens (les « mots » ou plus exactement, les
« monèmes ») et qui forment la première articulation, des unités distinctives, qui participent à
la forme mais n’ont pas directement un sens (les « sons » ou plutôt
les « phonèmes »), et qui constituent la seconde articulation :
c’est la double articulation qui rend
compte de l’économie du langage humain ; elle constitue en effet une sorte de démultiplication puissante qui fait, par exemple, que l’Espagnol d’Amérique,
avec seulement vingt et une unités distinctives, peut produire cent mille
unités significatives ». (L’Aventure
sémiologique, Introduction publiée dans le Monde le 7 juin 1974, Paris
Seuil, 1985. p. 39)
Chantal Thomas dans Pour Roland Barthes rappelle à quel
point son « maître » était sensible à la matérialité de la langue
française. Celui-ci affirmait dans un entretien : « Si l’on perd le
contact avec le phonétisme de sa langue, la musique de sa langue, on détruit le
rapport entre le corps et la langue ». Elle ajoute à propos de l’extraordinaire
présence de sa voix : « La diction de Roland Barthes était claire, calme,
mélodieuse. Elle ne semblait jamais bousculée par l’urgence d’un quelque chose
à dire, ni par la frénésie d’un affrontement. Comme le chant, elle rendait
audible le silence dont elle se détachait. Ce en quoi la voix de Roland Barthes
était davantage propre aux monologues, aux pauses réflexives ou rêveuses qu’à
la fébrilité du débat, où il s’agit de ne jamais laisser inoccupée une seconde
de silence. Ce n’était en rien une voix journalistique,
ni même d’actualité ». Chantal
Thomas, Pour Roland Barthes, Paris,
Seuil, 2015, p. 27
Curieux décrochage avec
le modèle du journaliste radio. Ce qui est visé ici par Chantal Thomas, c’est
moins le journaliste radio, en tant que tel, que l’animateur radio qui a pour
ennemi le silence. Un documentariste radio saura utiliser les silences et sera
sensible également à la matérialité de la voix et du son.
4 ° Pratique : banque de son et bruissement
de la langue
Petits exercices
ludiques : devinettes sonores.
– Écoutez les bruits suivants et
identifiez-les. Ces bruits deviendront des sons dès lors que vous les aurez
identifiés. Pourquoi ? (Réponse : les sons sont des signes auditifs)
- Travail pour la semaine
prochaine.
A - Déterminer les sujets sur
lesquels vous voulez travailler.
B - Manipuler les
enregistreurs (Zoom H6) pour vous familiariser avec le matériel. À vous de recueillir
des sons pertinents (significatifs), clairs (relativement isolés), propres au montage. Soyez vigilant. Prenez garde
au vent (parasite) et au « pop » (saturation). Soyez au plus près de la source. Consultez le Vu-mètre (Volum Units meter).
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