"Si la presse n'existait pas, il faudrait ne pas l'inventer",
Balzac, Les Journalistes, Monographies de la presse parisienne, Arléa, 1998, p. 19
Le motif du lecteur de journaux, et du Charivari en particulier, est fréquent chez Daumier. Il est utilisé ici comme prétexte commercial pour inciter le lectorat à se réabonner, avec cet avis clairement lisible : "Avis / Ceux de M. M. nos souscripteurs dont l'abonnement finit le 1er avril sont priés de le renouveler s'ils ne veulent pas éprouver de retard dans l'envoi du journal." Ce clin d'œil à la vie du journal fait allusion au lien qui unit le lithographe au Charivari, son principal employeur, au rôle important qu'il y joue, en 1840, et y jouera encore pendant plus de trente ans.
Balzac, Les Journalistes, Monographies de la presse parisienne, Arléa, 1998, p. 19
Le motif du lecteur de journaux, et du Charivari en particulier, est fréquent chez Daumier. Il est utilisé ici comme prétexte commercial pour inciter le lectorat à se réabonner, avec cet avis clairement lisible : "Avis / Ceux de M. M. nos souscripteurs dont l'abonnement finit le 1er avril sont priés de le renouveler s'ils ne veulent pas éprouver de retard dans l'envoi du journal." Ce clin d'œil à la vie du journal fait allusion au lien qui unit le lithographe au Charivari, son principal employeur, au rôle important qu'il y joue, en 1840, et y jouera encore pendant plus de trente ans.
Honoré Daumier
[- Oh elle est délicieuse... et plus bas... là... ici lisez
donc
- Oh c'est un peu fort ?...
- Sapristi oui
- Et la gravure, l'homme a une tête soignée :
- Et la femme donc
- Ah lisez donc ce qui est dessous
- Oh Oh ! cette charge - j'achèterai ce numéro-là]
Détail de la planche n° 13 de la série Actualités.
1840. Lithographie, 1er état sur 2, avant la légende. Épreuve sur blanc provenant du dépôt légal. 22 x 22 cm. Delteil 792.
Publiée dans Le Charivari, le 1er avril 1840.
BnF, Estampes et Photographie, Rés. Dc-180b (15)-Fol.
I
- Histoire fusionnelle : On a vu la semaine dernière la rivalité entre journalisme
et littérature. Pour de multiples raisons (le simple manque de temps,
l'exigence d'objectivité chez le journaliste, l'exigence de probité chez le
romancier, l'attachement spécifique au réel de l'un et de l'autre, etc.), le
journaliste ne peut être en même temps un romancier et le romancier non plus un
journaliste. Et pourtant, si on s'intéresse à l'histoire des deux pratiques, en
France tout au moins, on s'aperçoit qu'elles se sont confondues pendant
longtemps.
Marie-Éve
Thérenty a consacré plusieurs études sur la question du journalisme
littéraire, en particulier au XIXème siècle. Elle a écrit notamment La Littérature au quotidien.
Poétiques journalistiques au dix-neuvième siècle (Paris, Seuil,
« Poétique », 2007) dont nous allons lire quelques extraits.
Son
enquête montre que l'écriture des quotidiens au XIXème siècle est
essentiellement littéraire. Cette adéquation est vrai jusqu'à la professionnalisation
de la pratique du journalisme et la création des écoles
de journalisme.
p.
11-12 : "En fait, l'idée que le journalisme peut s'enseigner ne se
développe pas avant les années 1930 (...) Plusieurs écoles ouvrent
parallèlement leurs portes comme celle de Lille, fondée en 1928, ou l'École
supérieure du journalisme de Paris, en 1929. En 1935, d'une certaine manière,
les dernières ambiguïtés disparaissent avec le vote du statut professionnel qui
distingue officiellement le journaliste ayant pour occupation principale
régulière et rétribuée l'exercice de sa profession" et les intermittents
pigistes du journal".
p.
12 : "Avant la fin du XIXème siècle, il n'existe pas de
véritable protocole d'écriture journalistique. Les grands journalistes (...),
champions de la plume, se reconnaissent immédiatement à leur style. Surtout la
plupart des journalistes ont des ambitions d'hommes de lettres, d'écrivains -
le livre reste leur horizon"
p.
13 "La collusion entre la sphère des gens de lettres et celle des
journalistes est totale"
A
l'exception de Flaubert, tous les hommes de lettres ont flirté avec la presse
allant même pour certains, jusqu'à créer leur propre journal : Gautier, Barbey
d'Aurevilly, Nerval, Balzac, Stendhal, George Sand, Lamartine, Dumas, Mallarmé,
Victor Hugo, etc. parmi les plus connus.
p.
16 "les écrivains se dépeignent comme les mercenaires des
périodiques"
p.
17-18 "On aurait tort de mépriser ces opérations de poétique éditoriale ;
quelques chef-d'oeuvre de notre littérature du XIXème siècle proviennent
de cette atelier à double ressort : Littérature et philosophie
mêlées de Victor Hugo, Les Lettres d'un voyageur de George
Sand, La Lanterne magique de Danville, tous les recueils d'Alphonse
Allais, les Petits poème en prose de Baudelaire (...) La Comédie
humaine d'Honoré de Balzac, la trilogie autobiographique de Jules Vallès (L'Enfant,
Le Bachelier, L'Insurgé), etc.".
L'étude
de Marie-Éve Térenthy s'efforce de démontrer trois aspects de la
relation entre Littérature et Journalisme.
1
- Il y a un "profonde circularité entre les formes littéraires et
les formes journalistiques, dues à la coïncidence essentielles entre
les deux systèmes professionnels pendant quelques dizaines d'année - le
même personnel circule dans les champs journalistique et littéraire - mais
aussi et surtout à la concurrence inégale qui s'établit entre les deux régimes
textuels. (...) La littérature assiste au triomphe du système médiatique"
p. 18
"le
journal connaît une littérarisation ambigüe" : même si en apparence les
écrivains fissurent le journal, ils s'en servent comme d'un
"laboratoire journalistique". Quant au journal, il s'inspire des
nouvelles formes littéraires et il "adopte les protocole narratif du
roman" p. 20
2
- "la littérarisation du journal passe par une fictionnalisation du
quotidien"
3
- On assiste à "un changement de paradigme entre le journalisme des années
1830 et celui des années 1880" (p. 22)
"Se
développe un régime de la "chose vue" qui prime sur la parole. Le
journal ne doit plus seulement raconter, à la fin des années 1960, mais
beaucoup plus nettement témoigner. Le journaliste devient donc la conscience
observante du siècle en charge de l'examen du monde, responsable de la
constitution des protocoles du témoignage oculaire". (p.23)
p.
41 Naissance des "princes du reportages" qui deviennent les
"vedettes des journaux" p. 45 "se jouent du côté du reportage et
notamment du grand reportage des enjeux essentiels pour la littérature"
Jusqu'à
la "retrait très progressif de la littérature du quotidien marque la fin
d'une conception du littéraire comme médiation au profit d'autres ferments
démocratiques : la fonction d'ambassadeur du reporter, et l'utilisation du
stéréotype dans la critique" p. 40
II
- Balzac, journaliste :
Marie-Éve
Thérenty dirige également une nouvelle collection chez Garnier-Flammarion
"Journaliste-écrivain". Elle a choisi et présenté les articles et
chroniques du volume Balzac, journaliste (Flammarion, 2014).
p. 8 Elle montre, dans une longue introduction, la
position paradoxale de Balzac à l'égard de la presse.
Tantôt extrêmement satirique (dénonçant les
"rienologues" "Si la presse n'existait pas, il
faudrait ne pas l'inventer" (Balzac, Les Journalistes,
Monographies de la presse parisienne, Arléa, 1998, p. 19) tantôt enthousiaste.
p. 8
"Balzac est également conscient que la presse est l'antichambre principale
de la littérature."
p. 9 Balzac
incarne "la figure paradoxale de l'écrivain-journaliste"
P. 10 Sa
première collaboration date de 1924 : il fait un compte-rendu sur Le Mulâtre (Feuilleton
littéraire, 6 mars 1824) dans lequel il dénonce les procédés romanesques
grossiers et extravagants de son auteur qu'il démasque à l'occasion.
Profitons pour lire quelques extraits de ce compte-rendu. (p. 46-50)
p.
10 Le tournant de 1830 : Balzac prend conscience que la littérature "ne
nourrit pas son homme". "Il est convaincu de l'incapacité de la
librairie à faire vivre les écrivains"
p.
40 "Cette hybridation entre l'ouvre journalistique et littéraire est la
caractéristique la mieux partagée des écrivains du XIX ème siècle - c'est une
découverte récente de l'histoire littéraire. Balzac non seulement est le
premier à l'avoir pratiquée avec ce systématisme et cette ampleur mais surtout
loin de se contenter, comme beaucoup de reprises citationnelles, il a inventé
entre les deux supports des dispositifs de renvois, de réflexions et de
miroitements d'une grande complexité qui le placent, comme George Sand,
Théophile Gautier, Stéphane mallarmé, Guy de Maupassant et Octave Mirabeau, au
Panthéon des écrivains-journalistes".
III - Une perspective d'interview avec Kan Chia-ping sur
Balzac et le journalisme
Exercice pour la
semaine prochaine pour préparer l'interview.
1 - Lisez les documents consacrés à la
littérature et la presse au XIX eme siècle et à Balzac
2 - Élaborez à partir d'eux une
quinzaine de question que nous soumettrons à Mme Kan Chia-ping.
IV - Écoutez des travaux antérieurs.
Entretiens et
portraits publiés sur le site du BFT par exemple
· Samba :
· Sophie Hong :
· Arnaud Lechat :
-En français : http://www.france-taipei.org/Grand-entretien-Arnaud-Lechat-a-la-decouverte-de-la-musique-traditionnelle
Les articles sont classés dans la rubrique
« Dossiers et grands entretiens » accessible sur la page
d’accueil du BFT. Certains apparaissent également actuellement à la Une
déroulante (Sophie Hong) ou dans ‘Actualité’ (Arnaud et Samba).